Egora : Quelle est la prévalence de l’obésité ? Pr Jean-Michel Oppert : En France, 17% des adultes sont en situation d’obésité soit environ 8 millions de personnes. La prévalence a doublé en 20 ans. Associée à un accroissement du gradient social, elle est d’environ 10% chez les cadres et 18% chez les ouvriers. Quels sont les traitements de l’obésité actuellement disponibles ? Les mesures sur le mode de vie (conseils alimentaires, activité physique) et un accompagnement psychologique le cas échéant sont incontournables. Ensuite, la chirurgie bariatrique est indiquée dans certains cas d'obésité sévère. Récemment, la prise en charge a évolué de façon notable avec les analogues du GLP-1 prescrits dans l'indication "obésité". Ils agissent sur le ralentissement de la vidange gastrique, ont un effet satiétogène et améliorent le métabolisme glucidique. Ils font perdre de 10 à 15% du poids initial ce qui est considéré comme "utile" pour la santé. Ce sont les mêmes molécules que celles utilisées dans le traitement du diabète de type 2 (DT2) mais avec un dosage différent. Le liraglutide (Saxenda, Novo Nordisk) s’adresse à des patients avec un indice de masse corporel (IMC) > 30kg/m² ou un IMC > 27kg/m² avec comorbidités. Dosé jusqu’à 3 mg, l’injection sous-cutanée est quotidienne. Le semaglutide (Wegovy, Novo Nordisk), dosé jusqu'à 2,4 mg, est une injection hebdomadaire. Depuis un an, il était en accès précoce dans certains centres spécialisés de l’obésité et délivré par les pharmacies hospitalières aux patients en situation d’obésité de grade III avec au moins une comorbidité. Cet accès a pris fin le 30 septembre 2023. Ce médicament a désormais une autorisation de mise sur le marché européenne. En France, il n'est pas encore disponible mais le sera probablement prochainement. Pour être complet, une autre molécule, l’orlistat (Xenical, Cheplapharm), est disponible en France depuis 1998. Limitant l'absorption des graisses au niveau intestinal, son efficacité est relativement limitée (perte de poids d’environ 5%). Ses effets secondaires sont des diarrhées graisseuses. L’orlistat est très peu prescrit actuellement. Quelle est la durée de traitement des analogues du GLP-1 ? Les patients doivent être de bons répondeurs et avoir perdu plus de 5% de leur poids après trois mois de traitement sinon la prescription ne doit pas être poursuivie. C'est un point important. Si l’on considère que l’obésité est une maladie chronique, il n’existe pas de durée maximum de prescription. Si un patient arrête son traitement, il aura tendance à reprendre du poids. Quels sont leurs effets secondaires ? Ils dérivent directement de leur mécanisme d’action et sont principalement digestifs : des nausées (très fréquentes) ; parfois des vomissements, des diarrhées et de la fatigue ; et très exceptionnellement des pancréatiques aigües. Pour les limiter, ces médicaments sont toujours prescrits à doses très progressivement croissantes. Ces effets sont parfois transitoires et souvent observés lors de l'augmentation de la dose. Largement utilisées dans le diabète, ces molécules sont, à ma connaissance, sans signal particulier dans le domaine cardiovasculaire ou des troubles de l'humeur. Mais rappelons que, dans l'indication obésité, la posologie est supérieure à celle du diabète. Quels sont les nouveaux traitements à venir ? Les doubles agonistes GLP-1 / GIP et GLP-1 / glucagon ou les triples agonistes GLP-1 / GIP / glucagon sont actuellement à l’étude. Ce sont des protéines chimériques avec un agoniste sur chacun des récepteurs. Parmi les doubles agonistes GLP-1 / GIP, le tirzepatide (venant d’être autorisé dans l’indication diabète aux États-Unis) semble avoir, récemment, apporté la preuve d’une bonne efficacité sur la réduction pondérale. Certains de ces traitements à venir ont un effet sur le poids (de 20 à 25% de perte de poids) presque similaire à la chirurgie bariatrique ! C’est un changement d’ère car ces médicaments à l’efficacité particulièrement conséquente sont au prix d’effets secondaires paraissant tolérables.
Quel est le rôle des médecins généralistes ? Il est extrêmement important pour repérer les patients en situation d'obésité, de rechercher les éventuelles complications, de proposer des mesures sur leur mode de vie et d'ensuite envisager des moyens thérapeutiques supplémentaires. D'autre part, ils ont un rôle très important dans le suivi des patients ayant subi une chirurgie bariatrique. Environ 50 000 interventions ont lieu chaque année, soit un total de 500 000 Français opérés. Or, près de 50% d’entre eux ne sont plus suivis après cinq ans. C'est un très grand problème de santé publique ! *Le Pr Oppert déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
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