350 000 euros : c’est le coût moyen, par patient, d’une perfusion de CAR-T cell (cellules lymphocytaires génétiquement transformées ou Chimeric antigen receptor-T), traitement innovant indiqué dans certaines hémopathies malignes. "Le coût moyen des thérapies ciblées contre le cancer se situe autour de 50 000 euros par an et par patient, soit 5 à 10 fois plus que les chimiothérapies classiques", estimait déjà le Conseil économique, social et environnemental (Cese) dans son avis "Prix et accès aux traitements médicamenteux innovants" de janvier 2017. Et ce n’est pas fini. Une dynamique Le développement rapide des thérapies ciblées, des anticorps monoclonaux, des inhibiteurs de points de contrôle et des CAR-T cell a bouleversé le traitement du cancer. Aux chimiothérapies classiques peu onéreuses utilisées en continu se sont substitués, dans un nombre croissant d’indications, ces médicaments biologiques en traitement de courte durée, parfois administrés en une seule fois, offrant des résultats thérapeutiques remarquables et des effets indésirables moindres. Leur utilisation progresse de manière exponentielle. Par exemple, alors que seulement 40 personnes ont bénéficié en France d’un traitement par CAR-T cell en 2018, elles seront 397 à en bénéficier en 2020 et 685 en 2022. Dans un pays où la prévalence des cas de cancers ne cesse d’augmenter, le poids financier des anticancéreux innovants est donc appelé à augmenter. Pour y faire face, l’Académie nationale de médecine fait preuve de pragmatisme en proposant notamment, dans son rapport "Médicaments anticancéreux onéreux : disponibilité et soutenabilité économique" présenté le 7 novembre, de soutenir la production de CAR-T cell d’origine institutionnelle au sein du réseau public français, dans les CHU de France équipés. Les exemples espagnols et canadiens En février 2021, un traitement CAR-T cell entièrement développé par l’hôpital universitaire de Barcelone (ARI-0001 ou varnimcabtagène autoleucel) reçoit une autorisation de l'Agence espagnole des médicaments en vertu d'une "exemption hospitalière" - l’équivalent d’une autorisation d’accès précoce - pour le traitement des patients adultes (>25 ans) atteints de leucémie lymphoblastique aiguë en rechute ou réfractaire aux autres traitements. C’est le premier CAR-T cell non commercial autorisé en Europe. Dans une étude menée sur 47 patients atteints de troubles lymphoprolifératifs B (âge médian de 47,5 ans), les cellules ARI-0001 ont démontré une efficacité et une sécurité "similaires à ceux d'autres produits universitaires et commerciaux", explique l’équipe espagnole. De plus, l’expérience a apporté "un accès sûr, efficace et équitable à la thérapie CAR-T". Au Canada, les cellules CAR-T CD19 (CLIC-1901) fabriquées "de bout en bout" par une plateforme universitaire ont été administrées à 30 participants âgés de 18 ans ou plus atteints d’une pathologie CD19+ récidivante ou réfractaire, situés aux deux extrémités du pays, à l'hôpital général de Vancouver et l'hôpital d'Ottawa. L’équipe canadienne, qui obtient les mêmes résultats qu’en Espagne, a fabriqué le produit en 12 jours et réduit le délai d'exécution, de l'aphérèse à l'infusion de CAR-T, à 15 jours, soit 4 à 6 semaines de moins que la fabrication et le délai d'exécution des produits commerciaux. Avec une distribution possible sur 4 300 km à travers le réseau canadien. "Cet essai démontre que les organisations non commerciales, en travaillant ensemble, peuvent fabriquer de manière efficace et efficiente des produits CAR-T de haute qualité en interne pour la distribution et l'administration sur un réseau de sites cliniques", concluent les canadiens. Avec de grosses économies à la clé : "le coût de la perfusion en Espagne a été ramenée à 77 000 euros et au Canada, le montant d’une perfusion de CAR-T cell tournerait aux alentours de 70 000 CAD (48 000 euros, NDLR)", rapporte le Pr François Guilhot, hématologue, membre de l’Académie nationale de médecine et rapporteur du rapport. Et le coût économisé sur le montant d’un CAR-T cell affiché par l’industrie sert à financer la recherche. "Si on arrive à pousser le Gouvernement à faire ce pas en avant important de réappropriation d’une technique, de façon à proposer à un maximum de patients une thérapeutique à coût plus faible, ce sera une avancée sociétale très importante", explique le Pr Guilhot pour qui prendre l’exemple des CAR-T cell, très coûteux, moins protégés par les brevets et pour lesquels il existe des précédents, "est une première étape derrière laquelle on pourrait peut-être avancer sur d’autres produits". Il s’agit maintenant d’y apporter une volonté politique.
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