Plaintes pour viol : une discussion juridique s'impose

29/10/2022 Par Alexandra Verbecq
Gynécologie-Obstétrique
Les récentes plaintes pour viol à l’encontre de gynécologues, dans l’exercice de leurs fonctions, ont ému la communauté médicale. L’acte médical de pénétration vaginale et rectale non consenti doit interroger la qualification juridique du viol.

  "Lorsque que le mot viol est utilisé, une intentionnalité sexuelle est sous-entendue mais en aucun cas il ne peut être employé pour un geste réalisé dans le cadre de la médecine et pour le soin. J’exclus bien sûr de mon propos, les pervers autant présents dans la population générale que chez les gynécologues… Et ces exceptions, se servant des patients pour leur plaisir personnel, doivent aller en prison pour abus de position dominante", déclare le Pr Israël Nisand, gynécologue, chef du service maternité (Hôpital américain de Paris). Concernant le phénomène du franchissement de la ligne rouge dans le domaine de la santé, une étude scandinave* réalisée auprès de 7 200 femmes avait estimé la prévalence de la "maltraitance vécue" dans 6 pays européens. Près de 21% des femmes décrivaient avoir subi "un abus dans les soins", celui-ci était qualifié de "sévère" dans 0,3 à 2,6% des cas (soit un usage de la position de subordination pour satisfaire le compte du soignant, assorti de violences physiques et/ou psychologiques). Une étude américaine** réalisée sous le prisme juridique avait également révélé que 1 039 médecins avaient été condamnés aux Etats-Unis pour inconduite sexuelle, soit 9,5 / 10 000 médecins au premier rang desquels les psychiatres, puis les gynécologues suivis par les médecins généralistes. Proportion à peu près équivalente à celle en population générale, a détaillé la Dre Amina Yamgnane, gynécologue (Hôpital américain, Paris). "En dehors de cela", poursuit le Pr Nisand, "un examen, fut-il brutal, fut-il douloureux pour une femme ou pour un homme d'ailleurs, parce qu'il en va de même pour les examens en gastro-entérologie, ne peut pas être qualifié de viol ou alors c'est mépriser les femmes ayant vraiment été violées. Toute la profession, gynécologues, gastroentérologues, radiologues, généralistes, faisant une médecine de l’intimité, est inquiète de l'utilisation dévoyée du terme de viol pour des actes médicaux n’ayant pas d’intentionnalité sexuelle. Nous l’avons vu avec la ministre Mme Chrysoula Zacharopoulo, femme gynécologue, qui a reçu deux plaintes pour viol quelques jours après avoir été nommée ministre". Un délit et non un crime ? Juridiquement, le viol est un crime. La profession estime ainsi la nécessité de rechercher une autre incrimination, comme par exemple celle de "violence médicale" qui soit plutôt qualifiée de délit. "Cette autre incrimination permettrait aux femmes de porter plainte si elles l’estiment nécessaire et d’obtenir réparation du préjudice sans pour autant porter plainte pour viol, ce qui se juge à la cour d'assises. Nous voyons déjà des médecins s'arrêtant de faire des examens gynécologiques et se contentant désormais de regarder les radios, les IRM pour ne pas avoir d’ennuis. Or cela dégrade la médecine", regrette le spécialiste. Demande de consentement nécessaire et renouvelé Le recueil du consentement avant examen des patientes est un préalable. Pour le Pr Nisand : "Céder n'est pas consentir. Une femme peut accepter d'être examinée à contrecœur. Il s’agit donc de demander à chaque patiente si elle souhaite être examinée ou non. Et même une fois installée, le lui redemander. Un consentement permanent doit être formulé par la patiente. Il ne faut pas oublier qu’un consentement peut être provisoire. Si une femme retire son consentement en disant "stop", il faut interrompre l’action immédiatement même s’il s’agit de la mise en place d’un stérilet. C'est extrêmement important. Les médecins souvent continuent et terminent ce qu'ils ont commencé. De leur côté, les patient(e)s doivent savoir exprimer leur volonté au moment nécessaire". En 2021, une charte de la consultation en gynécologie ou en obstétrique avait déjà été élaborée par le Collège national des gynécologues obstétriciens de France (CNGOF) pour rappeler les droits des patientes et sensibiliser les praticiens. "La prochaine étape, à mon avis, est une discussion avec les juristes et les magistrats pour officialiser une nouvelle incrimination afin qu’il n’y ait plus de chef d’accusation incorrect. Les magistrats peuvent reconnaître un problème de consentement sans intentionnalité sexuelle. Et lorsqu’il n’y a pas d’intentionnalité sexuelle, les plaintes pour viol devraient être refusées. Un acte médical ne peut pas être qualifié de viol, sauf si la patiente arrive à montrer une intentionnalité sexuelle", conclut le gynécologue. *Lukasse M. et al. Acta Obstet Gynécol Scand. 2015 May;94(5):508-17 ** Abudagga A. et al. PLoS One. 2016 Feb 3;11(2):e0147800.

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