L’enjeu du séquençage du diabète

09/05/2022 Par Alexandra Verbecq
Diabétologie
Multifactoriel et hétérogène, le diabète est multigénique. Caractériser les différents profils génétiques des patients pour adapter la prise en charge est l’un des objectifs du plan France médecine génomique 2025, comme cela a été rappelé lors du congrès annuel de la Société francophone du diabète (Nice, 22 - 25 mars 2022).

  Le protocole multicentrique Glucogen du plan France médecine génomique 2025 devrait démarrer en septembre. Il inclura plus d’un millier de patients, une quinzaine de centres et trois plateformes génomiques (Toulouse, Lyon et Paris). Il a pour objectif de montrer non seulement l’intérêt du séquençage du génome dans la pratique clinique mais aussi des réunions de concertation multidisciplinaires (diabétologue, généticien, biologiste) pour le diagnostic et la prise en charge des diabètes atypiques. Chaque génome sera entièrement séquencé et analysé in silico. « C'est important car l’enjeu de ce projet est la prise en charge, par la caisse primaire d'assurance maladie, de la recherche génétique permettant d'identifier l’étiologie de diabètes atypiques », indique le Pr Jean-François Gautier, endocrinologue-diabétologue (Hôpital Lariboisière, Paris), président de la Société francophone de diabétologie (SFD) et coordonnateur de Glucogen. Plusieurs diabètes sont bien identifiés grâce à des marqueurs biologiques signant leur étiologie. C’est le cas du diabète de type 1 (DT1) avec le dosage des anticorps dirigés contre les cellules β, du diabète pancréatique avec l’imagerie, du diabète secondaire à une endocrinopathie (maladie de Cushing, acromégalie) avec des dosages hormonaux et de certains diabète monogénique (DMg) avec le génotypage. Cependant, dans la majorité des cas, les autres formes de diabète restent mal identifiées par manque de marqueurs diagnostiques, comme le DT2 qui est un diagnostic par élimination, mais également le DT1B et le DT2 cétosique, les DMg non identifiés (soit 50 à 80% des DMg) et les diabètes révélés par des traitements (immunothérapies et diabète fulminant, neuroleptiques et DT2 cétosique, cortisone et DT2). « Pour ces formes, une stratification par profil génétique serait nécessaire afin d’adapter la prise en charge et le traitement », poursuit le spécialiste.   4 groupes de diabètes monogéniques Aujourd’hui, 70 variants génétiques ont montré leur pathogénicité. « Le diagnostic moléculaire des formes monogéniques est important car lorsque nous trouvons une mutation pathogène de gênes actionneurs, nous mettons en place une médecine de précision. Plus de 5% des patients diabétiques sont porteurs de ces mutations pathogènes », précise Amélie Bonnefond (directrice de recherche Inserm, Lille). Les DMg identifiés peuvent être classés en quatre situations. La première, le diabète néonatal, a des anomalies génétiques connues. Dans 50% des cas, ce diabète est transitoire. Des sulfamides à très fortes doses sont prescrites. La deuxième est caractérisée par l’existence d’un variant dont la principale manifestation est la maladie diabétique. Ces DMg ne sont pas ou peu associés à des anomalies extra pancréatiques. Il en existe deux sortes. D’une part, les diabètes liés à la mutation de la glucokinase (GCK-MODY 2). « Il est intéressant de les identifier car ces DMg ne s’aggravent jamais. Il n’est pas nécessaire de les surveiller excepté pendant la grossesse où un traitement doit être prescrit », recommande le Pr Gautier. Et d’autre part, les diabètes MODY 1 et HNF1A-MODY 3, apparaissant à l’adolescence, sont rapidement évolutifs et se compliquent facilement. Pour le spécialiste, « il ne faut pas prescrire l'insuline en première intention car ce type de diabète répond bien aux sulfamides pendant assez longtemps ainsi qu’aux analogues du GLP-1. La metformine n’est pas efficace. Il nous arrive de reconsidérer le diagnostic de DT1 chez un adulte diabétique depuis l'âge de 12 ans sur des critères suggérant un DMg. Nous repartons alors sur des sulfamides avec une efficacité thérapeutique par rapport à l'insuline. Et puis, souvent, ce type de diabète se termine à l’insuline.» La troisième situation concerne les DMg associés à des manifestations extrapancréatiques (surdité, rétinopathie spécifique, myopathie, encéphalopathie) comme le diabète mitochondrial. Ces DMg bien identifiés nécessitent une prise en charge multidisciplinaire avec un neurologue et un cardiologue. Le MODY 5 est associé à des manifestations rénales (insuffisance rénale voire mise sous dialyse). Ces malformations viennent d’une mutation du gène HNF1B touchant un facteur de transcription impliqué très précocement pendant le développement. Une fois sur deux, la mutation est de novo. Enfin, la quatrième situation est définie par le diabète syndromique. Le diabète est en arrière plan par rapport à un syndrome clinique comme la lipodystrophie sévère, le retard mental, les petites tailles, etc. Actuellement, peu de mutations sont identifiées. Des formes atypiques sont de plus en plus fréquentes. Elles concernent des sujets jeunes, minces avec des antécédents familiaux, des anticorps négatifs et nécessitent un traitement par insuline précoce. D’autres formes sont d'apparition plus tardive. Ces diabètes appelés par l’Organisation mondiale de la santé « hybrides » doivent faire rechercher une étiologie génétique. Pour le Pr Gautier, « la difficulté est qu’actuellement, dans 80% des cas, nous ne retrouvons pas les variants identifiés comme responsables du diabète alors que nous sommes quasiment sûrs que ce diabète est génétique. Les efforts de recherche doivent être poursuivis ».   DT2 : 250 variants génétiques connus Une fois les diabètes secondaires éliminés, le diagnostic s’oriente vers un DT2. Près de 250 variants génétiques sont connus à ce jour. Cependant, même associées ensemble, ces anomalies génétiques prédisent moins de 20% de l’héritabilité du DT2. Cette maladie polygénique résulte de l’interaction gène-environnement. Elle est plus difficile à interpréter. « En associant ces variants génétiques à des critères cliniques simples comme l’âge de survenue, le poids, le dosage de l’HbA1c, le tour de taille,… nous stratifions en sous groupes les patients ayant des trajectoires cliniques et des complications communes pour identifier des profils génétiques. Les gènes interviennent mais ils influencent plus qu’ils ne sont causaux », précise le spécialiste qui conclut : « Nous sommes dans le temps de la médecine personnalisée, il toujours intéressant de se poser la question de l'étiologie d’un diabète, même a posteriori, car le traitement en dépend ».

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