A l’échelle de la recherche, les cancers pédiatriques font partie des maladies rares, mais elles sont bien sûr toujours trop fréquentes. Exploration d’un processus tumoral spécifique, avec Marie Castets, chercheuse Inserm, au Centre de Recherche en Cancérologie de Lyon (Léon Bérard) et responsable du réseau national React4Kids (qui regroupe l'ensemble des chercheurs français impliqués dans la recherche fondamentale en cancérologie pédiatrique) Egora -le Panorama du Médecin : Quels sont les enjeux ? Marie Castets : Chaque année, 2000 nouveaux diagnostics de cancer sont posés pour des enfants de moins de 15 ans, 3000 si l’on y inclut les jeunes adultes, de 15 à 19 ans. Les cancers pédiatriques sont considérés comme des maladies rares dans la mesure où ils représentent 2 % de tous les cancers. Par ailleurs, on a longtemps considéré que ce que l’on sait des cancers de l’adulte était transposable aux cancers de l’enfant, d’autant que les réponses à la chimiothérapie (CT) d’une tumeur pédiatrique étaient dans l’ensemble meilleures… Le taux de guérison est d’environ 80 % à 5 ans, de 70 % à 10 ans.
En cancérologie pédiatrique, l’enjeu est double, soigner plus de cas et mieux : deux tiers des enfants en effet ont des séquelles, de la maladie et/ou des traitements. Il existe 65 types différents de cancers, certains de très bon pronostic (néphroblastomes ou rétinoblastomes), d’autres en impasse thérapeutique absolue (gliome du tronc cérébral infiltrant), en passant par les tumeurs au pronostic réservé (tumeurs cérébrales et sarcomes). Pourquoi faut-il une recherche dédiée ? Pendant longtemps, la recherche s’est construite autour d’essais internationaux en raison des faibles effectifs de chacun des pays pour chacune des tumeurs. En matière de traitement, les approches, combinatoires, se sont concentrées sur des thérapies plus ciblées et moins toxiques que la chimiothérapie, mais les progrès étaient minces et les courbes de survie en plateau… Nous avons alors pris conscience, depuis ces 10 dernières années en particulier, de la nécessité d’une recherche dédiée pour comprendre les spécificités des cancers pédiatriques. Première piste de recherche fondamentale, la composante développementale de ces cancers : ils résulteraient d’anomalies des processus de migration, prolifération et différentiation cellulaire, tous trois impliqués dans le développement embryonnaire. Comment ces mécanismes développementaux sont-ils détournés au profit des cellules tumorales ? Une de nos hypothèses est que les cellules tumorales apparaîtraient très tôt, resteraient latentes et, opportunistes, se développeraient à l’occasion de conditions plus favorables.
Deuxième voie de recherche, la connaissance du contexte ontogénique, c’est-à-dire la façon dont le statut, hormonal et immunitaire notamment, de l’enfant ou de l’adolescent, en cours de structuration et de croissance, influe l’évolution de la tumeur et la réponse aux traitements. Ce contexte est forcément différent de celui de l’adulte et mérite une recherche dédiée. C’est ainsi qu’une immunothérapie prometteuse de l’adulte peut être décevante chez l’enfant, au système immunitaire encore immature. Enfin, les approches “multi-omiques“...
autrement dit la définition des signatures moléculaires de la cellule cancéreuse à différents niveaux, de son génome (l’ADN), de son transcriptome (l’ARN), de son protéome (la protéine) ou de son méthylome (la compaction d’ADN), devrait aider à la compréhension des mécanismes qui conduisent à l’altération des voies de signalisation. Nous devrons sans doute ici porter davantage nos efforts sur les anomalies de compaction génétique, soit l’épigénétique, un domaine a priori plus riche de promesses chez l’enfant que chez l’adulte. Où en est-on de la recherche clinique ? De grands programmes de séquençage ont été lancés dans le cadre du Plan France Médecine Génomique* : la tumeur de chaque enfant est désormais séquencée pour identifier les mutations “droguables“, que l’on peut cibler à l’aide de médicaments, c’est-à-dire d’anomalies pour lesquelles l’on dispose déjà de thérapeutique (inhibiteur d’ALK par exemple). Les cancers pédiatriques sont une des premières indications pilotes de ce Plan.
Mappyacts est un second programme de recherche qui explore ces mutations au moment de la rechute, sur des patients enfants ou adolescents en échec thérapeutique pour, là encore, repérer une altération “passible“ d’un traitement ciblé. * https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/recherche-et-innovation/france-genomique ; https://pfmg2025.aviesan.fr/
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