Formation médicale trop "ancienne" : le cas d'un médecin généraliste suspendu par l'Ordre

29/05/2023
Selon un arrêt du Conseil d’Etat du 13 avril 2023, l’Ordre est en droit de ne pas limiter une mesure de suspension d’un médecin généraliste, pour insuffisance professionnelle, à une partie de son activité, car les nombreuses lacunes dans ses connaissances médicales rendent dangereux l’exercice de la médecine générale, dans toutes ses composantes. 

 

Dans une décision du 17 mai 2022, le Conseil national de l’Ordre des médecins a suspendu un médecin généraliste du droit d’exercer sa profession pour une durée d’un an et a subordonné la reprise de son activité à la justification du respect d’obligations de formation. Ce praticien a contesté cette décision et saisi le Conseil d’Etat. Cette procédure, en insuffisance professionnelle, s’appuie sur l’article R.4124-3-5 du Code de la santé publique et permet à l’Ordre de suspendre un médecin temporairement, totalement ou partiellement, si ce praticien n’a plus les connaissances suffisantes pour pratiquer correctement son activité. Avec le risque, pour ses patients, de rendre dangereuse la poursuite de son exercice. Une suspension qui ne peut être ordonnée que sur un rapport établi par trois médecins qualifiés dans la même spécialité que celle du praticien mis en cause. Ces médecins experts procèdent ensemble à l’examen des connaissances théoriques et pratiques de leur confrère et leur rapport d’expertise doit indiquer les insuffisances relevées au cours de cette expertise, leur dangerosité, et préconiser les moyens de les pallier par une formation théorique et, si nécessaire, pratique. 

 

Dangerosité totale 

Dans l’affaire jugée par l’Ordre puis par le Conseil d’Etat, le rapport des experts constatait, chez ce médecin généraliste, une formation médicale ancienne sans remise à niveau théorique ou pratique récente et de nombreuses lacunes dans ses connaissances médicales. Toutefois, selon ce rapport, la sécurité des patients pouvait être préservée au motif que ce praticien, à son cabinet, se bornait pour l’essentiel à prescrire des arrêts de travail et dans une moindre mesure des renouvellements d’ordonnance. Ce même rapport recommandait, néanmoins, qu’il cesse son activité de médecin de garde au sein d’une maison médicale en raison de lacunes dans le domaine de l’urgence. Dans son recours au Conseil d’Etat, ce médecin généraliste demandait ainsi à la juridiction administrative d’annuler la décision du Conseil national de l’Ordre en l’autorisant à poursuivre son activité à son cabinet mais en renonçant à son activité de médecin de garde. Un recours rejeté par le Conseil d’Etat qui a donné raison à l’Ordre pour n’avoir pas limité cette mesure de suspension, eu égard aux lacunes relevées, à la seule activité de médecin de garde. Le Conseil national de l’Ordre a ainsi fait une exacte application des dispositions de l’article R.4124-3-5 du Code de la santé publique. 

Comme le rappelle le Conseil national de l’Ordre, "le médecin doit toujours avoir présent à l’esprit qu’il est responsable et il doit être conscient des lacunes de son savoir, lacunes qui peuvent avoir des conséquences vitales pour ses patients. La compétence est donc fragile, périmée quand les connaissances sont trop anciennes, ou que la pratique est insuffisante dans un domaine donné. La compétence nécessite une évaluation régulière". Tout médecin doit entretenir et perfectionner ses connaissances et se soumettre à une formation continue ainsi qu’à une évaluation de sa pratique.    

 

Par Nicolas Loubry, juriste

 
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