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Légère hausse du nombre de médecins : "Ce n'est pas le bout du tunnel", prévient l'Ordre

"La récente nomination de Madame Geneviève Darrieussecq en tant que ministre de la Santé et de l'Accès aux soins dans le gouvernement Barnier souligne l'importance croissante de ce défi", écrit en préambule de l'Atlas de la démographie médicale 2024, le Dr Jean-Marcel Mourgues, vice-président du Conseil national de l’Ordre des médecins, en charge du sujet. Il décrypte pour Egora les tendances démographiques mais reste grave malgré une légère amélioration de la situation.  

02/10/2024 Par Sandy Bonin
Démographie médicale Déserts médicaux
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Egora : Cette année, l'Atlas de l'Ordre relève un léger sursaut démographique, est-ce enfin le bout du tunnel ?

Dr Jean-Marcel Mourgues :  Non, ça serait bien trop optimiste. Nous démarrons d'un déficit tellement important en termes de hiatus entre l'offre de soins et les besoins en santé... Disons que c'est l'amorce d'une reprise démographique qui sera lente jusqu'à la fin de la décennie et qui devrait s'accélérer de plus en plus après. Mais cette petite augmentation est notable. Ça a arrêté de baisser voire, cela a légèrement augmenté. Mais cette petite hausse ne sera pas perceptible sur l'amélioration de l'accès aux soins, ni cette année ni les prochaines. Le retour sur investissement de l'arrêt du numerus clausus tardera encore pour être mesurable.

 

Quel est le visage des médecins en cette année 2024 ?

Il est important de faire la part des choses entre ceux qui sont inscrits au tableau de l'Ordre et qui comprennent aussi beaucoup de médecins retraités, ceux qui ont une activité et ceux qui ont une activité régulière.

Les médecins en activité ont augmenté de 1,4% alors que ceux en activité régulière ont augmenté de 0,8%. Cette différence s'explique par une expansion continue des jeunes retraités qui poursuivent encore une activité partielle. 

Il faut donc retenir que 2024 est marqué par un rajeunissement des médecins, une féminisation et une hausse du nombre de retraités actifs…

En ce qui concerne les retraités actifs, ça n'est pas nouveau mais c'est leur très forte augmentation depuis 15 ans qui est à souligner. Ils ont quadruplé depuis 2010. En 2010 ils étaient environ 5 600 pour passer à 21500 en 2024. Le plus souvent il s'agit de jeunes retraités. 

Pour les médecins en activité régulière on constate une augmentation de 1 600 praticiens par rapport à l'an dernier.

 

L'Atlas constate un intérêt constant des médecins pour la salariat, qui supplante le libéral. Si en médecine générale le libéral domine, le salariat gagne du terrain, notamment chez les femmes, quelles sont les explications ?

Ma réponse relève du domaine de l'interprétation puisqu'il n'y a pas d'étude, à ce que je sache, qui a identifié les raisons pour lesquelles il y a cet engouement. Ceci étant dit, sans trop grand risque de se tromper, on peut penser qu'il y a déjà une disponibilité qui convient mieux à l'équilibre des médecins dans un exercice salarié, en volume horaire de temps de travail. 

Le modèle économique de la médecine libérale dans lequel il y a eu une érosion des lettres clés est une réalité qui s'est télescopée avec une augmentation des charges. Dans un exercice salarié, il y a une mise à disposition de personnels. Nous savons bien que le problème des assistants médicaux en médecine générale se traduit pas une prise en charge dégressive par l'Assurance maladie avec une nécessité d'augmenter la file active des patients. Cela aboutit à une charge de travail accrue et souvent à un burn out…

Le salariat est également davantage attractif pour les jeunes, qui souhaitent à juste titre avoir une meilleure harmonie entre le temps de soins, de formation et familial. D'autant que dans le même temps, l'exercice médical, notamment en médecine générale, est devenu plus compliqué avec de plus en plus de patients polypathologiques. D'après le dernier rapport Charges et produits de l'Assurance maladie, 35% des assurés sont en ALD ou relèvent d'un traitement au long cours. 

A l'Ordre nous représentons l'ensemble des médecins, salariés ou libéraux, quels que soient leur mode d'exercice et nous n'avons aucun jugement de valeur à faire. Nous constatons simplement que le salariat, d'une année sur l'autre, s'installe. 

Ce qui pose d'ailleurs d'autres problèmes. Sur des mesures de régulation de l'exercice médical, on ne voit pas trop pourquoi on s'attaquerait davantage à un mode d'exercice plutôt qu'à un autre… mais ça c'est un débat plus politique. Si des mesures de régulation de l'installation sont votées, quid des médecins salariés hospitaliers ? Pourquoi les mesures ne s'appliqueraient qu'à un seul mode d'exercice ? 

 

D'un point de vue démographique, quels sont les points à retenir de cet Atlas ?

On creuse toujours un peu plus les inégalités territoriales. Les spécialités (hors médecine générale) sont plus impactées encore par les inégalités d'accès aux soins. Nous avons deux types de départements. Ceux où la densité s'améliore et qui se rajeunissent. Il s'agit dans la très grande majorité des cas de départements hospitalo-universitaires. Par contraste, il y a des départements qui continuent à perdre leur population médicale et dont la population est la plus âgée et en difficulté pour accéder à l'ensemble du panier de soins. Il y a la France des métropoles et celle des départements ruraux et des périphéries de région. La fracture territoriale face à la santé continue de se creuser.  

En médecine générale, l'Ordre a lancé, en partenariat avec l'Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes) une étude sur les médecins étrangers et la désertification médicale. Ils semblent être une solution à la baisse de la démographie médicale, notamment en zones rurales…

Ce sujet n'est pas nouveau. Les médecins à diplôme étranger sont une population qui n'augmente pas en pourcentage. Cela pose le problème éthique de savoir si on ne vide pas des pays dont la ressource médicale est déjà en difficulté. Il s'agit de médecins qui arrivent souvent dans des territoires enclavés dans lequel l'exercice est plus difficile car l'offre de soins est insuffisante. Ces médecins ont aussi souvent une barrière linguistique, bien qu'il y ait des exigences de bonne maîtrise du français. 

L'étude a également constaté que les médecins à diplôme étranger ont une mobilité de carrière importante. Ils vont s'installer et se désinstaller plus facilement que les médecins à diplôme français (deux fois plus). 

En médecine générale, les médecins optent souvent pour les zones rurale mais quittent souvent leur département d'accueil. Ils ne sont pas très nombreux en valeur absolue dans ces départements, mais par désaffection des médecins à diplôme français de ces territoires, ils se retrouvent nombreux en proportion. 

Les médecins étrangers ont une part à jouer dans le panel de solutions contre la désertification mais ça n'est pas la solution. D'ailleurs il n'y a pas de solution unique. 

 

Quelles solutions alors pour lutter contre la désertification ?

Il y a deux pistes. La première est issue d'un rapport de la Drees de 2021. Il s'agit d'une revue de littérature internationale sur la désertification. Il en ressort que l'une des mesures les plus porteuses est l'origine géographique des étudiants. L'idée serait de faire de la discrimination positive, c’est-à-dire faciliter une juste représentation des étudiants issus des zones rurales dans les facs de médecine. Les départements ruraux et faiblement peuplés ne sont pas représentés à leur juste poids de la démographie générale dans les universités. 

La deuxième piste est liée à la durée et au nombre de stages dans les zones en tension médicale. Plus un étudiant sera durablement familiarisé à des lieux d'exercice, plus il aura une probabilité de les choisir. Les futurs médecins ne choisissent que ce qu'ils connaissent bien.

 

C'est ce qu'on va demander aux étudiants avec la quatrième année de médecine générale…

Oui mais il devra y avoir une exigence de qualité pédagogique. Cela ne doit pas être vécu comme un service sanitaire obligatoire déguisé. La médecine générale pratiquée dans les zones en tension est plus difficile qu'en zone normalement dotée. J'en sais quelque chose puisque je suis dedans. Les médecins sont en difficulté pour tout. Bâtir un parcours de soins est plus compliqué. L'exigence de qualité pédagogique et d'accompagnement dans ces zones est indispensable.  

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Stéphanie Beaujouan

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