DPC : en crise, les médecins veulent faire sauter la banque

07/07/2017 Par Catherine le Borgne

Politique de la chaise vide en commission scientifique indépendante, clef sous la porte pour toute la section professionnelle médecins… La crise gronde à l'Agence nationale du DPC (ANDPC), dont le fonctionnement et le financement est vivement mis en cause par les praticiens noyés dans la masse des professions de santé. Et qui veulent retrouver leur prééminence et leur autonomie d'antan.

  Alors que l'Agence nationale du DPC née de la loi de Santé vient tout juste de fêter son premier anniversaire, c'est un climat insurrectionnel qui prévaut chez les médecins. Jugez un peu : leur CSI  (commission scientifique indépendance) chargée d'évaluer les actions de DPC proposées par les organismes, a cessé tout travail en signe de protestation voici un petit mois. Et depuis mercredi soir, c'est l'intégralité des représentants syndicaux siégeant dans la section professionnelle médecin – ils y déterminent les modalités de prise en charge des actions de DPC et assurent le suivi des enveloppes financières -  qui a mis la clef sous la porte "tant que ces conditions délétères persistent". Les syndicats conjurés ont demandé un rendez-vous à la ministre de la Santé, qui avait déjà reçu sur le même sujet, le président du Collège de médecine générale, Pierre Louis Druais, il y a trois semaines. "Il s'agit d'une réforme lourde, impossible à mettre en place en 6 mois. Le bilan que nous pouvons tirer à un an est contrasté", a déclaré jeudi matin, devant la presse, Michèle Lenoir-Salfati, la directrice de l'agence. Satisfaite d'un certain nombre de points : le travail sur la qualité de l'offre, la fluidité des enveloppes, l'installation du comité d'éthique, des 7 commissions scientifiques indépendantes et de toutes les sections professionnelles, les actions de contrôle en cours, la progression du nombre de professionnels formés notamment puisque l'objectif est de former le tiers des 400 000 professionnels libéraux et associés chaque année. Mais... car il y a des mais.   Ajustements et réglages   Sous le regard approbateur d'Eric Haushalter, le président de l'Assemblée générale et du conseil de gestion, la directrice a reconnu la nécessité d'"ajustements et de réglages", sur deux sujets qui coincent particulièrement : le fonctionnement de la commission scientifique des médecins et le financement du dispositif. L'équipe de direction de l'Agence aura à faire des propositions d'évolution à la tutelle, qui les a mandatés en ce sens. Ces propositions seront élaborées avec les praticiens, et cela prendra un peu de temps, ont-ils assuré. "Il y a deux crises, liées à un même sujet, mais qui prend des contours différents", a analysé Michèle Lenoir-Salfati. "Il y a des critiques structurelles. Nous travaillons avec pédagogie, à l'apaisement de la situation". Deux récriminations majeures sont formulées à l'agence par les médecins. D'une part, dans un cadre de lutte contre les conflits d'intérêts, les règles d'incompatibilité imposées aux membres de la CSI médecins sont plus dures que celles prévalant antérieurement à l'OGDPC. Et même aujourd'hui à l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament). A savoir qu'il est désormais impossible de siéger en CSI pour un membre d'un conseil d'administration d'une autre instance scientifique, avec rétroactivité sur une période de 5 ans. Les médecins généralistes ne l'ont pas admis et ont quitté la CSI, rapidement suivis par les spécialistes. Durant cette période de carence, les actions ne sont plus évaluées, ce qui est fort préjudiciable.   "Exclure notre profession de la gestion de sa propre formation continue"   Ce durcissement des règles par rapport à la période de  l'OGDPC a été perçu par les syndicats signataires du communiqué commun, comme le signe d "une volonté d'exclure notre profession de la gestion de sa propre formation continue (…) Les "pseudo conflits d'intérêts" opposés aux membres de la CSI des médecins, sont la conséquence de leur participation à l'organisation antérieure des structures de formation continue", ont-ils fait valoir en refusant d'appliquer ces règles plus dures que par le passé. La gestion de l'enveloppe, ensuite, a fait sauter le couvercle d'une marmite qui commençait à sacrément bouillir. Le coup fatal a été porté par la répartition du reliquat 2016, 10 millions d'euros,  entre toutes les professions de santé. Une procédure qui se fait en conseil de gestion, par vote, précise la loi. "Il y avait 3 médecins et 7 non médecins. Résultat, les médecins n'ont eu qu'un quart du budget alors qu'ils représentent la moitié des effectifs", relate Pascal Charbonnel, vice-président du Collège de la médecine générale et représentant de la FMF à l'ANDPC. "Franchement, peut-on comparer le besoin de formation d'un médecin à celui d'un pédicure podologue, par exemple ? Non, rien ne va plus. Il faut que ces règles changent. Le collège avait prévenu qu'avec cette législation, nous irions dans le mur. Nous y sommes ". Et de faire valoir les besoins de formation de médecins, évalués à 40 heures par médecin et par an, selon les standards européens, alors que nous en sommes à 21 heures par an, contre 8 jours, au départ de la formation professionnelle continue, la FPC. Mais avec quels financements ? Tout le monde s'interroge sur l'itinéraire de la dotation spécifique imposée à l'industrie pharmaceutique pour la FPC des médecins, depuis la création de l'OGDPC par la loi HPST, dite loi Bachelot. Où est-elle passée ? "A combler le trou de la Sécu", ricanent ceux qui n'ont pas avalé ce tour de passe- passe. Toujours est-il que cette dotation de 112 millions d'euros ne figure plus dans le budget, lequel se monte à 170,70 millions au total en 2017 pour 10 professions, dont 83,700 millions pour les médecins. Autre disparition : la manne des honoraires différés, permettant de financer la FMC dans un cadre conventionnel. "Lorsque le C valait 100 francs, 35 centimes étaient mis de côté pour financer la FMC, dans un cadre de gestion paritaire, se souvient Pascal Charbonnel. Tout ceci a disparu avec la mise en place de la FPC par la loi HPST", regrette-t-il. Une disparition justifiée à l'époque, par l'existence avérée de lourds conflits d'intérêts, les syndicalistes étant eux même opérateurs de FMC au travers d'associations ad hoc.   "Pendant deux ans, ce fut "open bar""   Mais avec HPST, ce fut un autre genre de sport. Si le politique a étatisé la FPC, il a aussi libéralisé les opérateurs sans mettre de règles, se pliant ainsi aux obligations de la directive Bolkenstein, sur la libre circulation des biens et des services. "Pendant deux ans, ce fut "open bar". La porte ouverte à toutes les officines, sans évaluation", gronde Pascal Charbonnel. Que veulent maintenant les médecins ? Un vrai budget, à la hauteur de leurs besoins, soit une première étape à 120 millions, avec un horizon à 200 millions d'euros, dans une enveloppe dédiée. "Nous ne sommes pas des avocats qui peuvent répercuter sur le prix de leurs honoraires, les frais qu'ils engagent pour leur formation continue", souligne le vice-président du Collège de la médecine générale. "Il faut que le gouvernement trouve l'argent". Cette année, dans un cadre d'obligation triennale et non plus annuelle, du fait des efforts mis en place l'an passé pour optimiser les dépenses :  baisse du montant du forfait des médecins et des opérateurs, possibilité de rémunération à l'heure, liste d'attente pour permettre à de nouveaux médecins de prendre la place des confrères qui se désistent notamment, l'enveloppe sera complètement engagée en novembre. Les années passées, le budget était atteint en juillet, voire septembre. "C'est plutôt bien", s'est félicitée Michèle Lenoir Salfati. Au moins un sujet de satisfaction…

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