"On ne sait pas comment on va tenir" : les soignants de l'AP-HP essorés par la grève des transports

13/12/2019 Par Riwan Marhic

Alors que la grève contre la réforme des retraites s’enlise et en est à son neuvième jour, la RATP et la SNCF ne semblent pas prêts à stopper leur mobilisation. Impliquant, pour le personnel soignant d’Île-de-France de grosses difficultés pour se rendre sur leur lieu de travail et engendrant fatigue, stress et lassitude.    "On ne sait pas comment on va tenir" : dans le groupe hospitalier Paris centre, la grève des transports donne lieu à une organisation spécifique pour assurer la continuité du service mais épuise des personnels déjà à saturation. "Pendant la grève des transports de 1995, je devais dormir dans le service, c'était bruyant. En ce moment j'ai mon studio et comme je dors ici, je suis toujours à l'heure au travail". Cela fait vingt ans que Lucienne Bajot est infirmière de nuit en hématologie et soins intensifs à l'hôpital Cochin. Cette semaine, cette habitante de Massy occupe un des sept appartements habituellement destinés aux nouveaux arrivants, que l'AP-HP met à disposition de son personnel pendant la grève. À cela s'ajoutent 450 places d'hébergement: les lits des hôpitaux de semaine sont mis à disposition le weekend, ceux des hôpitaux de jours sont disponibles la nuit. En tout, 1.200 personnels ont été hébergés depuis le 4 décembre, veille du premier jour de grève, assure Éric Roussel, DRH du groupe hospitalier Paris centre (Cochin, Hôtel-Dieu, Broca, La Collégiale, Necker, Georges Pompidou, Corentin Celton). Co-voiturage, changement d’hôpital… Comment l’AP-HP s’assure que les soignants viennent travailler le 5 décembre  "J'ai l'impression de devenir un hôtelier", plaisante-t-il, mais tous n'ont pas eu la chance de se voir proposer un studio, plutôt qu'un lit dans un service. "Pour moi, dormir à l'hôpital, c'est hors de question, c'est trop glauque. De toute façon, vu les prix du loyer à Paris, on habite tous loin, alors on a tous un plan B chez un ami", raconte un infirmier de Cochin, qui "tient bon". "Mais comme je travaille de nuit, tous les matins c'est l'attente. On se demande si le collègue va arriver".     "Bonne volonté" Pour permettre à son personnel de venir au travail, la direction des ressources humaines a mis en place un système de cars Trois navettes par jour reprennent le trajet des lignes de RER. "Les premiers départs à 05H00 du matin arrivent à 06H30 à l'hôpital. Puis la navette repart à 07H00 pour ramener le personnel de nuit chez lui", explique Éric Roussel.  Le covoiturage marche aussi "très fort", avec des milliers de trajets depuis le début de la grève. Enfin, des garderies ont été mises en place en plus des crèches déjà existantes au sein des hôpitaux. "La direction de l'AP-HP fait des efforts pour acheminer les gens et les héberger mais, quand on a une vie de famille, des enfants, on ne peut pas dormir sur place toute la semaine",  souligne Solen Kernéis, médecin infectiologue à l'hôpital Cochin et membre du collectif Inter-Urgences. "Comme d'habitude, ça repose sur beaucoup de bonne volonté et de dévouement des personnels. Ils se débrouillent mais sont épuisés, notamment par les temps de trajet qui ont explosé. Je ne sais pas combien de temps on va tenir comme ça", souffle-t-elle. "La fatigue se fait sentir, je ne sais pas comment on va tenir", abonde presque mot pour mot Frédérique Liège, cadre paramédical à l'hôpital de jour en diabétologie. Elle s'occupe de répartir le personnel dans les chambres libres de l'établissement. "On est mobilisés pour permettre aux soignants d'être présents à leur travail", explique, les traits tirés,  celle qui se lève à 04H00 du matin pour venir à l'hôpital. "Ça fonctionne car on est très liés les uns aux autres. Mais les conditions de travail sont déjà très dures. On a peur que ça se poursuivre jusqu'aux vacances scolaires". La grève des transports contre la réforme des retraites entre dans sa deuxième semaine. Elle survient en parallèle de la mobilisation des personnels des hôpitaux publics, notamment aux urgences. Ils revendiquent plus d'effectifs, plus de lits, de meilleurs salaires et plus de poids dans la gouvernance des établissements.

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