Affaire Le Scouarnec : le profil du chirurgien inquiétait déjà le ministère de la Santé en 2006

09/02/2023 Par Pauline Machard
Faits divers / Justice
La première condamnation du praticien pour détention d’images pédopornographiques est remontée rapidement au ministère de la Santé, mais aucune mesure n’a été prise à son encontre. Le chirurgien a ainsi pu continuer à exercer pendant 12 ans, avant d’être rattrapé par la justice.  

 

Joël Le Scouarnec aurait-il pu être écarté de ses fonctions dès 2006 ? C’est la question que pose France Info, révélant jeudi 8 février que le cas du chirurgien condamné en 2020 à 15 ans de prison pour viols et agressions sexuelles – et qui a été mis en examen pour des faits similaires à l’encontre de 312 enfants –, avait fait débat dès cette année-là au sein du ministère de la Santé.  

Le site d’information revient sur la chronologie de l’affaire. En 2005, le praticien avait attiré l’attention des autorités françaises pour détention d'images pédopornographiques. À l’époque, une enquête du FBI avait conduit à sa condamnation à 4 mois de sursis, sans obligation de soin ni interdiction d’exercer. Problème : le tribunal de Vannes n’en informe alors ni les hôpitaux – ses employeurs –, ni l’Ordre, et ce alors que Joël Le Scouarnec est quotidiennement au contact d’enfants.  

En juin 2006, un collègue psychiatre du chirurgien "apprend un peu par hasard l’existence de cette décision de justice", raconte le média. Il remarque aussi des comportements alarmants, et alerte, dans une lettre à la direction de l’hôpital de Quimperlé, quant à ses "doutes sur la capacité de Joël Le Scouarnec à garder sa sérénité auprès de jeunes enfants". L’information est transmise à l’échelon départemental du Conseil de l’Ordre. Le chirurgien mis en cause est convoqué, mais l’instance décide "à l’unanimité, de n’engager aucune procédure disciplinaire", revient France Info. L’échelon régional, lui, ne donnera pas suite.  

 

Une "mystérieuse note blanche"  

Ce qu’apprend France Info, c’est qu’en parallèle, en 2006, la condamnation est remontée progressivement jusqu’au ministère de la Santé, à sa direction de l’hospitalisation et des soins, qui gère "notamment la titularisation et les éventuelles sanctions disciplinaires contre les médecins hospitaliers". La condamnation est jugée "préoccupante", "pas compatible avec les conditions de moralité nécessaires" pour être praticien hospitalier par plusieurs hauts responsables. Problème : la candidature du chirurgien au poste de PH titulaire vient tout juste d’être validée. "Sa condamnation a pourtant déjà été prononcée, mais la justice n’a pas mis à jour son casier judiciaire", écrit France Info.  

Ils envisagent bien de le radier, mais aucune décision n’est prise en ce sens. En cause, explique le média : une "mystérieuse note blanche", "ni datée ni signée" qui "apparaît en copie de plusieurs échanges". Celle-ci résume la position du ministère, fait savoir France Info : son auteur admet que "la connaissance par l'administration" de la condamnation "aurait certainement justifié qu’elle ne procède pas à sa nomination" sauf qu’il paraît alors "difficile d’envisager d’annuler la nomination". Elle exclut toute possibilité d’une sanction disciplinaire ou d’une exclusion.  

Les responsables au ministère de la Santé demandent néanmoins au directeur régional de l’hospitalisation de Bretagne de déposer plainte en leur nom auprès de l’Ordre des médecins. Ce ne sera pas fait.  Les différentes autorités n'ayant pas procédé à des sanctions, le chirurgien a continué d'exercer pendant 12 ans, 12 années pendant lesquelles la justice le soupçonne d'avoir agressé 45 victimes supplémentaires. En réaction à ces révélations, l'association La Voix de l'enfant a annoncé sur France Info la "possibilité de déposer plusieurs plaintes", notamment contre l'Ordre des médecins et le ministère de la Santé.

[Avec France Info

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