Retraites : pas touche aux 7 milliards de réserves de la Carmf

16/09/2019 Par Dr Alain Trébucq
La profession médicale est attaquée de toutes parts, comme jamais auparavant. C’est par ce constat que le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, a ouvert la 25e Université d’été de la confédération, qui s'est déroulée ce week-end à Antibes, ville du député-maire Jean Léonetti, cardiologue.

Les sujets d’inquiétude sont en effet particulièrement nombreux en cette rentrée. C’est bien entendu la crise des urgences mais qui n’est que l’expression d’une crise du système de santé dans son ensemble. Et de l’avis de tous, le bonneteau budgétaire avec ses 750 millions d’euros sur trois ans ne résoudra rien. Que sera le SAS, ce service d’accès aux soins présenté avec ce "plan urgences" ? "S’il s’agit d’une simple extension du centre 15 centré sur l’hôpital public, nous ne l’accepterons pas", s’enflamme le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, rappelant que la porte d’entrée dans le système de soins doit être la médecine libérale, pas l’hôpital. Autre sujet d’inquiétude, la réforme des retraites. Si les futures cotisations doivent baisser, de l’ordre de 22%, les retraites elles aussi devraient baisser et fortement, environ d’un tiers selon Jean-Paul Ortiz, qui met en garde le politique vis-à-vis des réserves de la Carmf : "il n’est pas question que nos 7 milliards d'euros de réserves aillent au financement des régimes spéciaux, notamment des grandes entreprises publiques, nous ne l’accepterons pas !". Les contours des métiers de la santé, à commencer par le métier de médecin, sont en plein débat actuellement, en France comme dans tous les pays occidentaux, l’exemple des infirmières cliniciennes dans les pays scandinaves est là pour illustrer ces évolutions. "Prenons garde à ce que nous prépare le politique, avertit Jean-Paul Ortiz, il nous revient de participer aux discussions sur les évolutions de notre métier, les aspects démographiques ne doivent pas être le prétexte pour décider de ces évolutions sans nous", rappelant à cette occasion que jamais la liberté d’installation n’avait été autant menacée qu’aujourd’hui. Quatrième sujet d’inquiétude, les nouveaux industriels de la santé. Et en tant que leaders dans le domaine, deux acteurs ont été particulièrement malmenés lors des débats, Doctolib et Qare, présents l’un et l’autre dans l’espace des exposants. C’est le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF, qui en a été le principal vilipendeur, appelant à un sursaut de la profession pour mettre en place un système contrôlé par la profession médicale, ne menaçant pas l’indépendance du médecin. Cette indépendance a été également célébrée par le Dr Jean Léonetti, député-maire de la ville d’Antibes, hôte de cette Université d’été, insistant sur le risque que le numérique et ses industriels font peser sur le métier de médecin. Ces nouveaux industriels sont-ils des prédateurs qui vont dépecer la profession ? "Tout ce qui est techniquement possible n’est pas humainement souhaitable", a souligné Jean Léonetti, un précepte détourné du débat en cours sur la loi de bioéthique.   Union sacrée Le temps fort de cette Université d’été fut incontestablement la table ronde animée avec brio par Olivier Mariotte, réunissant sept syndicats et associations représentatives de la profession médicale, des jeunes aux seniors : CSMF, MG-France, FMF, RéAGJIR, Isnar-IMG, Anemf, ISNI, respectivement représentés par les Drs Jean-Paul Ortiz, Jean-Louis Bensoussan, Jean-Paul Hamon, Laure Dominjon, Lucie Garcin, Romain Levesy et Isabelle Riom. Invités, le SML et Le Bloc étaient absents. C’est Jean-Louis Bensoussan qui ouvre le bal en déclarant d’emblée que l’heure n’est plus à la confrontation. Certes, des différences existent mais chacun évolue, à l’image de MG-France qui aujourd’hui a tourné le dos au tiers payant généralisé. Jean-Paul Hamon, avec sa verve habituelle, s’est fait le chantre de l’union sacrée, rappelant au passage qu’il a failli adhérer à MG-France en 1986 ! « Si on ne va pas au combat ensemble, on est morts ! Qare et Doctolib sont en train de détruire la profession" s’est-il écrié, critiquant au passage la mode des maisons de santé pluriprofessionnelles auxquelles il ne croit pas. Quand Jean-Paul Ortiz prend le micro, c’est pour rappeler toutes les menaces qui pèsent sur la profession et justifier cette initiative de rassemblement pour lutter ensemble sur la base d’un socle de valeurs fondamentales, intangibles, dont la liberté d’installation : "cette table ronde doit être le début d’un combat unitaire pour défendre l’avenir de notre métier". Une initiative largement saluée par tous, Jean-Louis Bensoussan rappelant le travail commun réalisé sur les CPTS ou les assistants médicaux ainsi que la démarche collective ayant conduit à la création du Collège de Médecine Générale. Une différence générationnelle s’est tout de même fait entendre quand Laure Dominjon et Lucie Garcin ont pris le contrepied de Jean-Paul Hamon pour défendre l’exercice en équipe pluriprofessionnelle et la délégation de tâches sous condition ou plutôt le partage des compétences mais en s’y préparant dès le début des études médicales puis en les appliquant en tenant compte des spécificités locales, à l’exemple du partage de compétences entre gynécologue et sage-femme pour assurer le suivi de la femme enceinte dans certains territoires de santé. Un discours repris par Isabelle Riom et Romain Levesy, qui regrettent la mauvaise connaissance que l’on a les uns les autres des différents métiers de la santé. Sans surprise, Jean-Paul Ortiz a plaidé pour le concept d’entreprise médicale, où devraient coexister des statuts différents, libéral, salarié ou mixte, où des médecins se regroupent entourés d’assistants, d’infirmières de pratiques avancées, avec des collaborateurs salariés ou non. Pour conclure, les intervenants ont souligné tout d’abord l’importance de donner envie aux étudiants de travailler en dehors de l’hôpital et pour cela, d’accorder une plus grande place au libéral, cabinets ou cliniques, lors des stages des études médicales, et cela dès le 2e cycle. Tous ont également plaidé pour la pluralité des statuts, rappelant que parmi les jeunes, moins d’un tiers défendait aujourd’hui le salariat. Quant à l’exercice libéral, il doit garder pour socle le paiement à l’acte, même si les forfaits sont légitimes, nécessaires, dans une proportion de 15 à 20% de la rémunération globale. Tous ces intervenants se sont quittés sur une promesse : créer un groupe contact et avancer ensemble pour porter un projet global défendant une médecine libérale et sociale.  

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