Diplômée d'un bac pro en boulangerie-pâtisserie, elle intègre médecine : "J'ai mis plusieurs mois à réaliser"
Elle n'était, à l'origine, "pas forcément une très bonne élève". Diplômée d'un bac professionnel en pâtisserie-boulangerie, Mathilde Lemblin s'est tournée vers le métier d'aide-soignante puis celui d'infirmière. La jeune femme de 24 ans a fini par intégrer la faculté de médecine d'Angers en septembre dernier grâce à une passerelle. Désormais étudiante en deuxième année, la Sarthoise aimerait devenir gynécologue-obstétricienne. Elle raconte son parcours à Egora.
Elle n'aurait jamais pensé arriver jusqu'ici. "J'ai mis plusieurs mois à réaliser que j'étais en médecine, que j'avais pris un appartement à Angers, que j'avais tout claqué dans ma vie d'avant et que ce n'était, à l'origine, pas ce qui était prévu." A l'autre bout du téléphone, Mathilde Lemblin marque une pause. La jeune femme de 24 ans vient de terminer sa deuxième année de médecine à l'université d'Angers. Une situation impensable il y a peu pour cette Sarthoise d'origine. "Le jour où j'ai été admise en médecine, c'était impossible de décrocher le sourire que j'avais sur mon visage. C'était que du bonheur", glisse-t-elle, en cette fin du mois de juillet.
Le milieu médical était loin d'être une évidence pour Mathilde. En 2014, à la fin de son collège, la future blouse blanche préfère se lancer dans l'univers culinaire. "Pas forcément très bonne élève", elle opte pour un bac professionnel en boulangerie-pâtisserie. "J'avais peur de ne pas réussir à avoir un bac général. J'ai trouvé un peu une solution de facilité en allant en [filière] professionnelle", avoue celle qui souhaite alors devenir chocolatière. Un choix motivé par l'envie plus tard de pouvoir "vivre convenablement" et avoir un "salaire décent", mais aussi par l'influence de son entourage. "J'ai toujours un peu baigné dans l'alimentaire. Ma mère a toujours fait beaucoup à manger, mon grand-père était cuisinier, mon frère l'est aussi, ma sœur est boulangère et mon père travaille en supermarché…", énumère-t-elle : "Je me suis dit qu'on pourrait peut-être monter une entreprise ensemble."
Assez vite, Mathilde déchante. Le monde de la boulangerie-pâtisserie ne correspond pas à ce qu'elle s'était imaginé : "J'avais [pourtant] fait mon stage de troisième dans une boulangerie, mais c'était complétement différent car, dans ce stage, j'arrivais à 8h. Mais en bac professionnel, je devais me réveiller à 4h30 pour commencer à travailler à 5h30 ou 6h. Et, c'est ça la réalité lorsque l'on est diplômé." L'adolescente souffre aussi de devoir "toujours rester enfermée dans un laboratoire avec les mêmes personnes" et de "manquer de communication". "Cette notion d'échange et de communication m'a beaucoup manqué en boulangerie-pâtisserie. C'est ce qui m'a donné envie de m'orienter vers un métier plus tourné vers les autres, avec plus de contact", raconte-t-elle.
"Plus jeune, je voulais être sage-femme"
Cette idée commence surtout "à germer" durant sa deuxième année en lycée professionnel. Sa formation, elle, en dure trois ; Mathilde décide d'aller jusqu'au bout. "Ce qui compte, dans certaines filières, c'est d'avoir le bac. Je me disais qu'en l'obtenant je pourrais peut-être me débrouiller avec", explique-t-elle. "C'était aussi [l'occasion] d'achever ce que j'avais commencé", ajoute la Sarthoise qui est diplômée en 2017.
Quelques semaines plus tard – après un passage chez une conseillère d'orientation -, Mathilde file en institut de formation d'aides-soignants à l'hôpital du Mans. "Quand j'étais [plus] jeune, je voulais être sage-femme, donc je me suis dit que je pourrais faire ça [après mon bac pro]. Mais autour de moi, certaines personnes me disaient qu'en sortant d'un bac pro, ça allait être difficile d'avoir les bases pour aller en études de maïeutique. La conseillère m'a alors dit que je pouvais d'abord tenter aide-soignante, puis faire une passerelle pour aller en infirmière et ensuite devenir sage-femme", rembobine l'actuelle étudiante en médecine : "C'est l'idée que j'avais en tête quand je suis entrée en formation d'aide-soignante."
Mais rapidement, Mathilde met ce projet "de côté". "J'ai adoré le métier d'aide-soignante. C'était vraiment quelque chose qui me correspondait et qui était en lien […] avec mes valeurs", sourit-elle. Contrairement à la boulangerie-pâtisserie, où elle "comptai[t] le nombre de jours avant la fin de [ses] stage[s]", la jeune femme apprécie ses journées en blouse médicale : "Quand je me réveillais [avant d'aller travailler], c'était un vrai plaisir. Ça m'a confortée dans le fait que j'avais fait le bon choix."
"Je n'étais pas prête à partir"
Au bout de dix mois, Mathilde termine sa formation et enchaîne deux années de missions d'intérim et de vacations. Durant l'une d'entre elles, elle rencontre le Dr Jérôme Tayoro, urgentiste à la clinique Pôle Santé Sud du Mans. "J'avais [encore] comme optique de poursuivre en études d'infirmière, mais pas dans l'immédiat car j'aimais vraiment mon métier. Puis, j'ai fait part de ce projet [de reprise d'études, NDRL] au Dr Tayoro et il m'a dit : 'Mais pourquoi attendre ?' Je me suis dit qu'il avait raison et j'ai postulé sur Parcoursup pour être prise" en Institut de formation en soins infirmiers (Ifsi), se souvient-elle.
Début 2020, Mathilde peaufine ses dossiers de candidature*. "On a eu les réponses en mai, mais ça a été plus compliqué que prévu", lâche-t-elle. Malgré ses nombreuses demandes, la jeune femme est refusée ou mise sur liste d'attente dans tous les Ifsi où elle a postulé. "Au fur et à mesure de l'été, j'ai été acceptée dans certains d'entre eux, mais il fallait que je déménage à Orléans ou en Mayenne. Je n'étais pas forcément prête à partir."
Début septembre, elle finit par être acceptée à l'Ifsi de la Croix-Rouge française du Mans. Mais Mathilde hésite : "J'ai eu une longue réflexion, car c'est un Ifsi payant […] J'ai [finalement] pris le risque de refuser cette opportunité". Celle qui a grandi dans "une famille assez modeste" rêve alors d'intégrer l'institut de l'hôpital du Mans, où elle a réalisé sa formation d'aide-soignante. Elle recevra un appel de cette école le 10 septembre, "une semaine après la rentrée", pour lui annoncer qu'elle est prise in extremis : "C'était une immense surprise, je n'y croyais plus ! J'avais déjà booké mon planning de septembre [en tant qu'aide-soignante] en me disant que je retenterais l'année prochaine. Mais j'ai finalement tout annulé et je me suis lancée dans l'aventure d'infirmière."
Dès ses débuts, la jeune femme se passionne pour ces études. "C'est une période de ma vie que j'ai adorée. C'est vraiment là où je me suis mise à travailler […] Je me suis rendu compte qu'apprendre était une grosse satisfaction", se remémore-t-elle, un sourire dans la voix : "J'avais une soif de connaissances très importante et l'envie d'être une excellente infirmière pour soigner les patients comme il se devait."
"Je regardais les médecins avec des yeux ébahis"
Puis un jour, au cours de sa deuxième année d'études, l'apprentie infirmière reçoit un mail du secrétariat de son école. "Il nous informait qu'une nouvelle passerelle venait de s'ouvrir et nous permettait d'aller en médecine, en dentaire, en kiné, en sage-femme ou en pharmacie", précise l'étudiante, qui s'interroge alors : "Je me suis dit : 'Pourquoi pas essayer ?' Mais en même temps, j'étais dans un flou total et me demandais si ce n'était pas trop…" Depuis quelque temps déjà, durant ses stages infirmiers, Mathilde observe avec envie le travail des médecins. "J'adorais les voir, avec leurs connaissances et leur compréhension des pathologies. Je les mettais sur un piédestal et les regardais avec des yeux ébahis", avoue-t-elle.
La jeune femme partage ses doutes au Dr Tayoro, avec lequel elle a gardé contact. "Il m'a dit qu'il y avait certainement un coup à jouer." Elle décide donc de se lancer et consacre sa dernière année d'études d'infirmière à cette passerelle. Mathilde n'a, à cet instant, plus pour projet de devenir sage-femme – un stage lui ayant fait réaliser qu'elle ne se "retrouvai[t]" pas dans ce métier -, mais d'intégrer médecine. "J'ai décidé de mettre toute ma vie en standby [pendant cette année], elle était dédiée à cette passerelle."
Dès l'été 2022, elle commence ses révisions. Car, pour réussir cette passerelle, elle doit à la fois obtenir les meilleures notes possibles dans sa formation d'infirmière et passer un concours écrit avec différents modules – elle a dû en passer cinq. "C'était une LAS [licence d'accès santé, NDLR], mais nous étions classés parallèlement aux autres étudiants. On avait un nombre de places réservées [pour nous]", explique la Sarthoise. Cette année-là, cinq places en médecine sont ouvertes aux apprenties infirmières**. Mathilde travaille d'arrache-pied et décroche un 17,58 à ses partiels de janvier 2023. Elle passe ensuite le concours écrit au printemps : "Je m'étais préparée du mieux que j'ai pu, mais je ne m'étais pas fait trop de films pour ne pas être déçue."
"J'ai eu un très mauvais ressenti"
Les résultats tombent en mai : l'étudiante obtient un bon classement, mais pas suffisant pour intégrer directement médecine et doit alors passer des oraux. "Je les ai passés fin juin et, une fois encore, ce n'était pas une partie gagnée d'avance, car l'année avait été difficile et intense. Il y avait eu les partiels, le concours à préparer, les stages infirmiers à assurer et mon mémoire que je devais rendre, déroule Mathilde. J'ai essayé de me préparer du mieux que je pouvais, mais je pense a posteriori que j'étais assez fatiguée." En sortant de cette épreuve orale fin juin, elle est découragée : "J'ai eu un très mauvais ressenti, je suis sortie de [cet oral] en me disant que l'aventure s'arrêtait là. Je n'arrivais plus à décrocher un seul mot après, je ne faisais que pleurer."
Les résultats tombent le 11 juillet, mais Mathilde est alors en pleine remise de diplôme d'infirmière. "J'ai voulu vraiment profiter de cette journée avec mes proches et ai [donc attendu] le lendemain" pour regarder les résultats, relate-t-elle. Seule devant son écran, elle découvre le 12 juillet qu'elle est admise en médecine à l'université d'Angers. "J'ai mis un petit temps avant de comprendre, se souvient-elle. [Mais après,] ça a été un gros soulagement. J'ai beaucoup pleuré…" Un an après, la jeune femme est encore émue lorsqu'elle y pense : "J'ai reçu tellement de messages de personnes qui me félicitaient…" Cette admission était "le fruit de tout ce que j'avais pu sacrifier durant cette année". "C’était un moment délicieux", sourit-elle encore.
Depuis, la carabine a quitté Le Mans pour Angers. Et ses débuts sur les bancs de la faculté ont été compliqués. "L'année a été assez difficile, reconnait-elle. Au début, j'ai eu l'impression pendant plusieurs mois d'être dans un monde parallèle […] Je me suis rendu compte que, cette année, j'étais plutôt mal organisée. Je ne me suis pas reconnue dans ma méthode de travail." Avec du recul, l'étudiante estime ne pas avoir pris assez de temps pour se reposer avant de commencer en septembre dernier. "Ça s'est répercuté sur toute mon année", raconte-elle. "J'étais épuisée de l'année dernière, après tout ce que ça m'a demandé. Je n'ai pas pris de temps pour moi, et il y a une fatigue qui s'est accumulée et a perduré. J'ai un peu fini l'année sur les rotules," poursuit celle qui, l'été dernier, a continué à travailler comme infirmière.
"Je sais que c'est ce que je veux faire"
Aujourd'hui encore, la jeune femme enfile régulièrement sa blouse d'infirmière "en parallèle" de ses études de médecine. "Ça me permet de m'assurer d'avoir de quoi vivre convenablement, de pouvoir assurer mes charges, confie-t-elle. Je fais en fonction des jours où j'ai cours ou non."
Malgré ces difficultés, pas question d'arrêter médecine. "J'ai quand même remis [un moment] en question ce choix, car je me disais que ce n'était pas normal" d'être si fatiguée, précise Mathilde. Finalement, "j'ai compris que j'avais une vraie appétence pour la médecine". "Je travaille encore cet été [comme infirmière, NDLR], et j'ai pu examiner un patient avec un interne car on a fait son entrée aux urgences ensemble. C'était super et ça m'a vraiment fait vibrer", détaille l'étudiante, qui doit passer deux rattrapages fin août pour valider sa deuxième année : "Je sais que c'est ce que je veux faire, mais la fatigue m'a un peu empêchée de pleinement profiter de médecine […] J'attends beaucoup de l'année qui va suivre."
La Sarthoise envisage, pour l'instant, de devenir gynécologue-obstétricienne. Une envie qui lui est venue lors d'un stage infirmier. "J'ai adoré ce métier !", lâche-t-elle, assurant toutefois ne pas être fermée à d'autres options. "Je me laisse l'opportunité d'être intéressée par d'autres spécialités, au point de me dire que je pourrais faire ça", acquiesce-t-elle : "Tout va dépendre de mes parcours et mes stages !"
*Le concours pour entrer en Ifsi a été supprimé en 2019.
**Ces cinq places étaient ouvertes pour tous les Ifsi de Sarthe, de l'Indre et du Maine-et-Loire, précise Mathilde.
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