Asco : de grandes avancées dans le cancer du poumon
Près de 6 000 communications ont été présentées lors de la 60e édition du congrès de l’American Society of Clinical Oncology (Asco) qui s’est tenue du 31 mai au 4 juin à Chicago. C’est le domaine des cancers broncho-pulmonaires qui bénéficie le plus des progrès récents.
« La vague d’innovations continue. Les progrès sont massifs dans tous les domaines de la cancérologie de précision », a salué le Pr Jean-Yves Blay, directeur général du centre Léon-Bérard à Lyon et président d’Unicancer, lors d'une conférence de presse organisée en marge du congrès. « Le nombre de nouvelles classes thérapeutiques ne cesse de croître. De nouvelles stratégies émergent : inhibiteurs de dernière génération en première ligne thérapeutique, utilisation croissante des anticorps drogue-conjugués, introduction plus précoce d’immunothérapie en néoadjuvant. Mais aussi l’utilisation plus appropriée de médicaments existants, y compris les "bons vieux" cytotoxiques. »
Illustration de ces avancées dans les cancers broncho-pulmonaires...
Elargissement des thérapies ciblées
85 % de ces cancers sont non à petites cellules (CBNPC) et regroupent les adénocarcinomes, les carcinomes épidermoïdes et les carcinomes à grandes cellules. Dans les formes avec addiction oncogénique (« mutation driver »), la tumeur se développe à partir d’une simple mutation d’une protéine souvent impliquée dans les processus de régulation cellulaire. L’utilisation d’une thérapie ciblée, qui bloque spécifiquement cette protéine, « permet des régressions tumorales extrêmement spectaculaires », a rapporté le Dr Maurice Pérol, pneumologue au centre Léon-Bérard. Le traitement de 3e génération osimertinib (AstraZeneca), un inhibiteur de tyrosine kinase, donné après le traitement traditionnel chimiothérapie + radiothérapie dans les formes métastasiques avec mutation de l’EGFR et les formes opérées, a permis de réduire de moitié le risque de décès et de 80 % le risque de rechute (65 % des patients ont rechuté vs 12 % dans le protocole standard), selon l’étude Laura.
« On voit de nouvelles cellules modifiées sophistiquées, comme des CAR-T cells qui reconnaissent les antigènes tumoraux dans un contexte restreint, spécifique au patient. Ou des anticorps bispécifiques qui reconnaissent deux antigènes. Ils font le pont entre les cellules immunes et les cellules tumorales avec l’avantage d’une préparation simplifiée », a décrit le Pr Blay. Ainsi, toujours dans le CBNPC avec mutation de l’EGFR, l’ivonescimab (Summit Therapeutics), à la fois anti-PD1 et anti-VEGF, associé à la chimiothérapie, a divisé par deux le risque de progression de la maladie au stade métastatique, selon l’essai Harmoni-A.
Des inhibiteurs de nouvelle génération ciblent d’autres mutations, comme celle du gène ALK, mutation davantage observée chez les femmes. « Les résultats actualisés de l’essai de phase III Crown confirment, après cinq ans de suivi médian, le gain d’efficacité écrasant du lorlatinib (Pfizer), avec un taux de survie sans progression de 60 %, comparé à 8 % pour le traitement de première génération standard crizotinib (Pfizer) », a relevé la Dre Esma Saada, oncologue médicale au centre Antoine-Lacassagne à Nice et directrice du laboratoire de recherche translationnelle en oncologie à l’Université Côte d’Azur. « Ce médicament peut donner des effets secondaires neurologiques, d’où une attitude mitigée sur son emploi en première ligne. Connaître sa durée d’action permettra de mieux définir l’attitude thérapeutique », a noté le Dr Pérol.
Essor des anticorps drogue-conjugués
Une autre classe thérapeutique se développe en oncologie, les anticorps drogues-conjugués. Le principe est de lier une molécule de chimiothérapie à un anticorps dirigé spécifiquement vers une cible à la surface des cellules tumorales, afin de livrer la molécule sans altérer les cellules saines. Le nombre de cibles augmente et le recours à cette stratégie est également possible quand les antigènes sont faiblement exprimés. L’essai de phase II Icarus-Lung01, mené par l’Institut Gustave-Roussy (Villejuif) dans huit centres, a porté sur l’administration d’anti-Trop2 à une centaine de patients atteints de CBNPC métastasé en situation d’impasse thérapeutique après une ou deux lignes de traitement (chimiothérapie et/ou immunothérapie ou thérapie ciblée). Le taux de réponse était de 26 %, sur une durée médiane de 7 mois, avec une diminution des lésions d’au moins 30 % chez un quart des patients.
Utilisation précoce de l’immunothérapie
« Les progrès ne concernent pas seulement l’arrivée de médicaments révolutionnaires en termes de mode d’action et de cible. Des stratégies transforment les choses de manière très spectaculaire », a poursuivi le Pr Blay. L’administration de l’immunothérapie avant le geste chirurgical (approche néoadjuvante) a montré des bénéfices. Dans le cancer du poumon à petites cellules, très agressif et très dépendant du tabagisme, « c’est la première fois que l’on améliore la survie et que l’on augmente la proportion de patients guéris », a commenté le Dr Pérol. L’étude de phase III Ariatic, portant sur 500 patients présentant des formes localisées au thorax et rarement métastasiques, a démontré un gain de survie de près de deux ans, avec 56 % des sujets en vie trois ans après le diagnostic, grâce à l’administration précoce du durvalumab (AstraZeneca) pendant deux ans après le traitement standard radio-chimiothérapie qui, seul, donne 47 % de survie. Ce traitement anti-PDL1 pourrait être disponible prochainement en France.
L’enjeu majeur des tests
« On se pose désormais la question d’un traitement à vie. La durée du traitement et son optimisation sera une question majeure des années à venir. Dans certains modèles, on est loin de la question de la dose et de la désescalade, car un traitement plus long retarde la rechute », a repris le Pr Blay.
Un autre axe du déploiement de l’oncologie de précision est le développement et la mise à disposition de tests. « Le progrès majeur est d’arriver à identifier les caractéristiques de la tumeur et de la personne dans son ensemble pour mieux savoir le traitement le plus adapté et ainsi, lutter contre l’errance thérapeutique et les effets secondaires injustifiés », a ajouté la Pre Muriel Dahan, directrice de la recherche et du développement d’Unicancer. « La caractérisation de l’altération des gènes BRCA1 et BRAC2 dans le cancer du pancréas, de l’ovaire, du sein et de la prostate va être prise en charge dans le droit commun », a illustré le Pr Blay. « C’est une bonne nouvelle. »
Cependant, ces progrès dans la prise en charge doivent s’accompagner d’une véritable politique de prévention des cancers, évitables dans 30 à 40 % des cas.
Références :
D’après les présentations des Prs Muriel Dahan (Unicancer) et Jean-Yves Blay (Centre Léon Bérard, Lyon, et Unicancer), et des Drs Maurice Pérol (Centre Léon Bérard, Lyon) et Esma Saada (Centre Antoine Lacassagne, Nice), lors de conférences de presse d’Unicancer le 31 mai et le 4 juin pour le congrès de l’Asco.
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