Insulines hebdomadaires : gage d’une prise en charge allégée
Bientôt disponibles en France, les insulines hebdomadaires visent à accroître l’observance et à améliorer la qualité de vie chez les patients diabétiques, en particulier ceux atteints d’un diabète de type 2. De nouveaux résultats favorables de phase III ont été présentés lors du congrès de l’EASD.
Du fait d’un diabète de type 1 mais aussi en raison de la nature progressive du diabète de type 2, jusqu’à 40 % des patients diabétiques à travers le monde nécessiteraient une insulinothérapie(1). Or, particulièrement chez les diabétiques de type 2, la mise sous insuline connaît souvent d’importants retards, source d’inertie clinique(2). Entre autres raisons, les réticences des patients envers un traitement injectable, vécu comme un palier sans retour dans la prise en charge de leur maladie(3).
Conséquence : un tiers des diabétiques de type 2 sous insulinothérapie souffriraient de problèmes d’observance(4). D’où la nécessité de développer de nouvelles formes d’insuline basale, de prise hebdomadaire, afin de dédramatiser la mise sous insulinothérapie mais aussi d’« améliorer l’observance et la qualité de vie des patients », estime le Pr Stefano Del Prato, professeur d’endocrinologie et de métabolisme à l’université de Pise (Italie). Au lieu de sept injections par semaine, un diabétique de type 2 sous insuline basale n’en recevrait qu’une, tandis qu’un patient sous insuline basal-bolus passerait de 28 à 22 injections hebdomadaires.
Deux insulines hebdomadaires en vue
Pas encore commercialisée en France, une première insuline hebdomadaire, l’insuline icodec, a obtenu son autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne en mai dans les deux types de diabète. Dans le DT2, les résultats du programme de recherche Onwards ont confirmé sa non-infériorité par rapport aux insulines basales quotidiennes, la glargine et la dégludec, en termes d’efficacité comme de sécurité – notamment la fréquence d’épisodes hypoglycémiques.
Dénommée efsitora, une deuxième insuline hebdomadaire a également obtenu des résultats positifs, lors d’essais de phase III présentés lors du congrès de l’EASD. Dans l’étude Qwint-2, menée sur des diabétiques de type 2 initialement naïfs d’insuline, l’efsitora s’est avérée non inférieure à l’insuline dégludec(5). Après cinquante-deux semaines de traitement, les taux d’HbA1c étaient respectivement en baisse de 1,26 % et 1,17 %. Quant au temps passé dans la cible glycémique (entre 70 et 180 mg/dl), il était légèrement supérieur sous insuline efsitora que sous insuline dégludec, de 68,9 % contre 65,8 %.
En matière de sécurité, les taux d’hypoglycémies de grade 2 (glycémie inférieure à 54 mg/dl) ou 3 (sévère) ne différaient pas de manière statistiquement significative entre les deux groupes. Selon la Pre Melanie Davies, professeure de diabétologie à l’université de Leicester (Royaume-Uni), l’insuline efsitora peut permettre de « répondre aux problèmes d’inertie clinique au moment de la mise sous insuline, chez les patients vivant avec un diabète de type 2 ». Et ce avec d’importants gains environnementaux : rien qu’au Royaume-Uni, près de 3,17 millions d’injections d’insuline pourraient être évitées chaque semaine chez les diabétiques de type 2.
Des bénéfices incertains dans le diabète de type 1
Les bénéfices de l’insuline hebdomadaire semblent, en revanche, moins évidents dans le diabète de type 1, de plus grande variabilité glycémique que celui de type 2. Pour l’insuline icodec comme pour l’efsitora, le constat est le même : contrôle glycémique aussi efficace qu’avec une insuline quotidienne, mais risque nettement accru d’hypoglycémie de grade 2 ou 3 (+89 % pour l’insuline icodec, +22 % pour l’efsitora)(6). À la différence de l’UE, la Food and Drug Administration (FDA) américaine a temporairement refusé, en juillet, d’accorder une AMM à l’insuline icodec, notamment en raison d’incertitudes quant à la balance bénéfices-risques dans le diabète de type 1.
Selon le Dr Jean-Baptiste Julla, diabétologue à l’hôpital Lariboisière (Paris), « l’insuline hebdomadaire peut être une solution à la mauvaise observance [dans le diabète de type 2], car elle réduit la charge mentale liée au traitement. Mais la prise en charge du diabète de type 1, c’est vraiment de la dentelle : cette maladie nécessite un contrôle très fin ». Raison pour laquelle, à l’opposé des insulines hebdomadaires, un nombre croissant de patients s’équipent d’une boucle fermée (ou « pancréas artificiel »), leur assurant une administration automatisée d’insuline, dont la dose est calculée en temps réel par mesure de la glycémie.
Peu convaincu de l’intérêt des insulines hebdomadaires contre le diabète de type 1, le Pr Cees Tack, chef du service de diabétologie du centre médical de l’université Radboud (Nimègue, Pays-Bas), estime que ce traitement « peut être profitable à certains groupes de patients » diabétiques de type 2. « Cela réduit la charge liée au traitement. Une injection par semaine, c’est moins que sept. Et vingt-deux, c’est moins que vingt-huit [pour les patients sous schéma basal-bolus], mais cela ne fait pas une grande différence. Par ailleurs, si vous recevez l’injection le dimanche, cela ne signifie pas que vous pourrez oublier votre diabète le reste de la semaine : il vous faudra continuer à suivre des mesures hygiénodiététiques et à prendre, en médiane, huit comprimés par jour. »
- Garg SK, et al. Diabetes Technology and Therapeutics, 1er juin 2018.
- Okemah J, et al. Advances in Therapy, 29 octobre 2018.
- Hosomura N, et al. Diabetic Medicine, 14 septembre 2017.
- Peyrot M, et al. Diabetic Medicine, 7 février 2012.
- Wysham C, et al. New England Journal of Medicine, 10 septembre 2024.
- Bergenstal RM, et al. Lancet, 10 septembre 2024.
Les autres articles du dossier :
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Références :
Congrès annuel de l’European Association for the Study of Diabetes (EASD 2024), du 10 au 13 septembre 2024, Madrid. D’après les présentations des Prs Stefano Del Prato (Pise, Italie), Melanie Davies (Leicester, Royaume-Uni), Richard Bergenstal (Minneapolis, États-Unis), Cees Tack (Nimègue, Pays-Bas) et des Drs Carol Wysham (Spokane, États-Unis), et Jean-Baptiste Julla (hôpital Lariboisière, Paris) lors de la session « A paradigm change for basal insulin replacement? Results from the Qwint programme of insulin efsitora alfa ».
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