Vendredi dernier, les 164 États membres de l'OMC se sont accordés sur une levée des brevets protégeant les vaccins contre le Covid. Une mesure jusqu'ici exceptionnelle dans le secteur pharmaceutique, valable pour cinq ans. Concrètement, cette dérogation permet aux pays en développement "admissibles" de pouvoir eux aussi produire des vaccins, y compris utilisant la technologie de l'ARN messager, sans avoir l'autorisation du laboratoire découvreur initial. C'est la première fois qu'une levée temporaire des brevets est décidée par l'OMC. En 2001, l'organisation avait mis en place un mécanisme de licence obligatoire sur les traitements par trithérapies contre le VIH, c'est-à-dire des licences sur des brevets sans l'accord du détenteur du brevet. Cela avait permis de diminuer le prix pour les pays en développement, mais avec des difficultés à convaincre les laboratoires.
Mais cet accord sera-t-il efficace ? C'est l'un des points soulevés par l'industrie pharmaceutique, hostile à la mesure, qui pointe du doigt la production actuelle de vaccins, très importante. A mi-juin, près de 14 milliards de doses ont été produites dans le monde, selon la société d'analyse de données scientifiques Aifinity. En outre, le plus important facteur de cette inégalité d'accès "n'est pas la propriété intellectuelle, mais le commerce. Cela n'a pas été correctement traité par l'OMC", fait valoir Thomas Cueni, patron de la Fédération internationale de l'industrie pharmaceutique (Ifpma). Pendant des mois, certains pays producteurs ont en effet bloqué l'exportation de vaccins, au nom de la souveraineté sanitaire. De leur côté, les Entreprises du médicament (Leem) ont fait savoir par voie de communiqué qu’ils déploraient cet accord, “qui fragilise la propriété intellectuelle et la santé publique”. “L’accord de l’OMC n’augmentera pas les niveaux de vaccination dans les pays à faible revenus. Au contraire. La remise en cause de la protection intellectuelle par les brevets met en péril les approvisionnements mondiaux en entravant la production et les collaborations, en freinant la recherche et les investissements nécessaires pour faire face aux pandémies actuelles et futures. Tout en ouvrant une brèche au détournement de matières premières et fournitures depuis les chaînes de production bien établies, vers des sites de fabrication où la productivité et la qualité peuvent poser problème”, appuie le Leem. Un accord trop tardif Les pays et ONG qui ont milité pour plus d'égalité ne sont pas convaincus non plus. Il y a quelques jours, le ministre indien du Commerce lui-même avait indiqué ne pas croire que cet accord permette à la moindre nouvelle usine de se créer. "C'est tout simplement trop tard", a-t-il dit. "Cela ne correspond pas à la demande initiale", souligne Jérôme Martin, cofondateur de l'Observatoire de la transparence des politiques du médicament, qui déplore que la dérogation ne concerne que les pays en développement. “Il faut voir ce que cela donne sur le terrain, mais ce n'est pas ambitieux du tout", regrette-t-il auprès de l'AFP. D'autant plus que pour les traitements contre le Covid, coûteux, l'OMC a encore six mois pour se prononcer. "Nous sommes déçus qu'une véritable dérogation à la propriété intellectuelle (...) couvrant tous les outils médicaux Covid-19 et incluant tous les pays, n'ait pu faire l'objet d'un accord", abonde le docteur Christos Christou, président de MSF International, dans un communiqué. Cet accord était réclamé depuis le début de la pandémie par des ONG et des pays comme l'Afrique du Sud et l'Inde, face à l'inégalité vaccinale. A date, selon l'OMS, si 60% de la population mondiale a reçu une primo-vaccination (deux doses), la situation reste très inéquitable, avec 17% de vaccinés en Libye, 8% au Nigeria ou encore moins de 5% au Cameroun. [avec AFP]
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