Cet article est rédigé par le Pr Jean-Claude Nouët, ancien PU-PH et vice-doyen de La Pitié-Salpêtrière (AP-HP). L'extrait : "À toutes vapeurs !" Consultation entre médecins de l’université de Montpellier sur des vapeurs convulsives(1).
(1). Consultations choisies de plusieurs médecins célèbres de l’université de Montpellier sur des maladies aiguës et chroniques, 1750, Paris, chez Durand, rue Saint-Jacques, et chez Pissot, quai de Conti. (2). Environ 10 g.
Décryptage Au début du XVIIIe siècle, à Montpellier, des médecins ont instauré des consultations en commun. Un millier ont été publiées en dix volumes en 1750 : imprégnées des dogmes et principes de l’époque, elles ignorent les progrès de la science en physiologie et physiopathologie. La circulation sanguine avait été démontrée en Angleterre par William Harvey en 1628 : en France, un siècle après, la « Faculté » défendait aveuglément le dogme de la fabrication constante du sang, le mauvais devant être évacué par des saignées stimulant son renouvellement. Les traitements n’étaient que des recettes...
des gestes, en conséquence des ignorances et des croyances, mais avec la certitude de leur succès : Molière s’est chargé de ridiculiser ces pratiques, dont le roi lui-même était la victime ! Les « vapeurs » faisaient l’objet de nombreuses consultations. Il s’agissait d’un ensemble de troubles vagues et divers, physiologiques et mentaux, que les médecins de la fin du XVIIe siècle interprétaient comme une « suffocation de la matrice par des fureurs utérines, produisant des fumées gagnant le cerveau ». L’Encyclopédie, de Diderot, ce « dictionnaire raisonné des sciences », y voit seulement une « irritation des fibres nerveuses […] qui affecte sympathiquement le cerveau par la communication de la huitième paire de nerfs avec le grand nerf intercostal ». Ce n’est guère mieux ; au moins, elle entrevoit une cause liée à la personne, une maladie de l’esprit plutôt que du corps, une préscience de psychopathologie, en quelque sorte. Elle ne manque pas de glisser sa note prérévolutionnaire en remarquant que les vapeurs atteignent surtout « les gens oisifs de corps, qui fatiguent peu par le travail manuel, qui pensent & rêvent beaucoup, les gens ambitieux fort amateurs des biens & des aises de la vie, les gens de lettres, les personnes de qualité, les ecclésiastiques, les dévots, les gens épuisés par la débauche ou le trop d’application, les femmes oisives & qui mangent beaucoup ». Avant que naisse la neuropsychiatrie, les « vapeurs » continueront de faire carrière, surtout dans les salons, mises en scène par des accessoires de charme, selon un code de séduction. Ce recours aux « vapeurs » s’éteindra à la fin du XIXe siècle, avec les changements profonds de la société.
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