Opioïdes : plus il est en retard, plus le médecin a la main lourde

06/09/2019 Par Yvan Pandelé
Médicaments

Une étude américaine publiée dans Jama Open Network indique que la prescription d'opioïdes augmente substantiellement en fin de journée ou lorsque le médecin est en retard sur son planning de consultations. Du tramadol, et au suivant. Alors que la crise des opioïdes continue de secouer l'Amérique, une étude publiée dans Jama Open Network (la revue en open access de l'American Medical Association) montre que le taux de prescription d'opioïdes est très sensible au contexte : plus la journée défile, plus le retard s'accumule, et plus les praticiens sont susceptibles de prescrire des opioïdes. Et ce, dans des proportions non négligeables. L'étude en question est signée de deux spécialistes en santé publique des universités du Minnesota et de Boston. À partir d'une base de données privée (athenahealth), les auteurs ont compilé les fiches de soins de près de 680 000 consultations de patients (dont 61 % de femmes) pour des douleurs variées, réalisées auprès de 5603 praticiens en 2017. Aucun des patients retenus n'était déjà traité par des opioïdes.   Un tiers de prescriptions en plus Entre le premier créneau de consultation, en début de journée, et le dernier, il s'est avéré que le taux de prescription d'opioïdes augmentait de 33 % (4,0 % vs 5,3 %). Les médecins étaient aussi plus susceptibles d'initier un traitement aux opioïdes lorsqu'ils étaient en retard sur leur planning : le taux de prescription pouvait ainsi passer de 4,4 % pour un retard inférieur à 10 minutes à 5,2 % pour un retard de plus d'une heure, soit une hausse de 17 %. De façon notable, les taux de prescriptions d'alternatives aux opioïdes n'étaient pas sensibles au contexte, que ce soient les prescriptions d'antalgiques non opioïdes ou les traitements physiques (kinésithérapie, rééducation posturale, physiothérapie…). De quoi renforcer l'idée que la surprescription d'opioïdes est au moins en partie liée à des facteurs organisationnels : elle est souvent la solution de facilité pour un médecin débordé, face à un patient douloureux.   Traiter la douleur paie, l'addiction non Dans un éditorial du NEJM publié en 2012, la psychiatre Anna Lembke, un des premiers lanceurs d'alerte, s'interrogeait sur les mécanismes à l'œuvre dans la surprescription d'opioïdes. Elle identifiant notamment un changement de paradigme en médecine, où la prise en charge de la douleur est devenue une priorité, et une focalisation des patients sur l'idée que "toute souffrance est évitable". Mais au-delà de ces facteurs culturels, la psychiatre relève que "traiter la douleur paie, alors que traiter l'addiction non". Autrement dit, l'incitation à traiter les patients au plus vite – aux États-Unis, même les médecins hospitaliers sont couramment évalués sur leur productivité – se traduit par une tendance à prescrire facilement des opioïdes et négliger les signaux d'alerte en cas d'addiction.

La crise des opioïdes qui a frappé les pays anglo-saxons n'a pas son équivalent en France, mais les autorités sanitaires demeurent vigilantes et relèvent une augmentation du mésusage au cours de la dernière décennie.   Source:

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