Et maintenant, un livre blanc. À deux semaines de l'avis de la HAS sur le déremboursement de l'homéopathie (attendu le 28 juin), les défenseurs des granules font feu de tout bois. Le site de la campagne "MonHoméoMonChoix", lancée en mars par les industriels avec le soutien de 14 organisations professionnelles et associations de patients, vient de dévoiler un livre blanc intitulé "Quelle place pour l'homéopathie dans l'offre de soins ?". Le document (28 pages) présente 5 propositions : maintenir l'homéopathie dans le champ des professions de santé (médecins, sages-femmes et dentistes, seuls habilités à prescrire), renforcer la formation (normalisation, module sur les médecines complémentaires en médecine générale), créer une Commission éthique de l’homéopathie pour prévenir les dérives et promouvoir les bonnes pratiques, et enfin, last but not least, maintenir le remboursement à 30 % actuellement en vigueur. 17 parlementaires, dont 6 LREM Le livre blanc évoque rapidement la question de l'efficacité spécifique des granules. "Un certain nombre d’études cliniques solides ont donné des résultats positifs concernant l’efficacité de l’homéopathie au-delà de l’effet « placebo »", peut-on y lire. Pour soutenir cette affirmation, deux études sont mentionnées "à titre d'exemple", sur la dépression et la rhinite allergique. (Une pratique de "cherry picking" souvent dénoncée par les défenseurs de la médecine fondée sur les preuves.) Mais le livre blanc ne se limite pas à présenter des arguments et des propositions en faveur d'une meilleure inscription de l'homéopathie dans l'offre de soins. Il est aussi – surtout ? – un outil d'influence, préfacé par 17 parlementaires favorables à l'homéopathie, dont 6 députés LREM. Une action qui s'inscrit dans le prolongement d'un lobbying politique intense, de la part de Boiron et des autres industriels, auprès des plus hautes instances politiques. Le doyen des doyens s'expose Y figurent des témoignages de patients, de professionnels de santé et d'experts. Parmi ces derniers, un nom sort du lot : le Pr Jean Sibilia, président de la conférence des doyens de médecine. "Maintenir l’enseignement de l’homéopathie et, plus généralement, des médecines dites intégratives au sein des universités (…) permet de sensibiliser les étudiants à toutes les pratiques médicales auxquelles leurs patients pourront avoir recours", écrit-il. Une position déjà défendue par le doyen de la fac de Strasbourg, où des cours d'homéopathie sont proposés aux étudiants. "Le débat en cours soulève la question des mécanismes d’action de l’homéopathie. Il est impératif de poursuivre les efforts de recherche", ajoute le PU-PH en rhumatologie. Cette fois, la prise de position qui contraste quelque peu avec celles des académies de médecine et de pharmacie, pour qui la question de l'efficacité spécifique des granules est entendue. Dialogue de sourds à la HAS Mercredi 12 juin avait aussi lieu l'audition des industriels de l'homéopathie (Boiron, Lehning, Weleda) auprès de la HAS. Les experts dépêchés par les laboratoires y ont défendu le maintien du remboursement des quelque 1200 spécialités homéopathiques évaluées, à huis clos. À l'issue de l'audition, quelques commentaires ont néanmoins filtré, avec un leitmotiv : les critères d'évaluation adoptés par l'autorité sanitaire seraient inadaptés. "J'ai eu l'impression que nous n'étions pas devant la bonne commission (...), cette audition n'était pas du tout adaptée à notre pratique", a déclaré le médecin homéopathe Jean-Lionel Bagot à l'AFP. "Nous ne venions pas défendre un médicament mais une stratégie thérapeutique qui s'adapte à chaque patient", a poursuivi son confrère, le Dr Bernard Poitevin. Or, "on nous a enfermés dans une discussion concernant des médicaments."
C'est là un des arguments développés dans le livre blanc. "L’évaluation des traitements homéopathiques par la HAS est nécessaire et l’ensemble des professionnels de santé concernés soutient cette démarche", est-il écrit. "Cependant, cette évaluation doit impérativement tenir compte des spécificités de l’homéopathie, en s’appuyant sur des critères d’évaluation adaptés". Une demande qui passerait "notamment par l’intégration d’experts en homéopathie dans les instances concernées." Autre requête des défenseurs de l'homéopathie : intégrer son évaluation dans une démarche plus globale qui, au-delà du critère de l'efficacité contre placebo, intègre des dimensions de santé publique ("réduction de la consommation médicamenteuse", "impacts positifs sur l'iatrogénie et l'antibiorésistance"…) et de coût-efficacité (l'homéopathie représentant "0,29 % des dépenses de médicaments"). Rendez-vous le 28 juin pour juger sur pièce.
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