Budget 2019 de la Sécu : mais où se cachent les économies ?

25/09/2018 Par Catherine le Borgne
Politique de santé
Le budget 2019 de la Sécurité sociale renoue pour la première fois depuis 16 ans avec l'équilibre. Mais la pression ne se relâche pas pour autant sur la médecine de ville, malgré une dotation spécifique pour accompagner la stratégie de transformation de son modèle. Les prescriptions NS sur les ordonnances seront passées au crible, tandis qu'une mission se met au travail pour trouver comment modérer les dépenses d'indemnités journalières, dont le rythme ne faiblit pas.

"Les nouvelles sont bonnes, le solde de la Sécurité sociale sera excédentaire en 2019 de 700 millions d'euros, contre un déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse de 1 milliard d'euros en 2018". Gérald Darmanin, le ministre des Comptes publics, était tout sourire ce mardi matin, à Bercy, au moment de présenter à la presse le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2019, juste après la réunion de la Commission des comptes de la Sécurité sociale. Les voyants sont en effet au vert "pour la première fois en 18 ans", insistait le jeune ministre, maîtrise des dépenses et reprise de la croissance aidant. "Le désendettement s'accélère." Ainsi, fin 2018, 60 % de la dette transférée à la CADES aura été amorti, soit 155,1 milliards d'euros sur 260 milliards. Le Gouvernement entend poursuivre à bon train l'objectif d'apurement de la dette sociale, qui devrait être totalement purgée en 2024.   +400 millions pour la médecine de ville Ce PLFSS devra "traduire les engagements pris cette année dans la lignée des choix politiques arrêtés" en matière sanitaire et sociale, justifiait la ministre de la Santé à ses côtés. Agnès Buzyn a souligné les orientations de ce projet de loi :  libérer l'activité économique, soutenir ceux qui travaillent et entreprennent, protéger les plus vulnérables (voir encadré) et investir pour transformer notre système de santé.

Pour la branche maladie, le Gouvernement a fixé un objectif d'évolution des dépenses d'assurance maladie (Ondam) à + 2,5 % l'an prochain (contre 2,4 % cette année). La ville bénéficiera d'un petit coup de pouce (+ 400 millions d'euros), avec un taux de progression de 2,5 %, contre seulement 2,4 % pour l'hôpital. Un Ondam "historiquement haut, inédit depuis 6 ans" -précisait même Agnès Buzyn, construit pour soutenir la stratégie de transformation du système de santé. De grandes réforme ont déjà abouti, tels les accords sur le reste à charge zéro en optique, prothèses dentaires auditives, conclus cette année, qui trouveront un financement dans ce projet de loi. D'autres sont en cours, en matière de prévention, santé bucco-dentaire, vaccination par les pharmaciens notamment. Les moyens supplémentaires dégagés seront notamment consacrés à la mise en place des mesures adoptées pour structurer les soins de proximité : création des communautés professionnelles territoriales de santé, financement des 4000 postes d'assistants médicaux, structuration des hôpitaux de proximité, déploiement d'équipes mobiles gériatriques, développement des compétences dans les établissements de santé. Des financements sont également prévus pour des investissements de modernisation et d'adaptation, investissements immobiliers pour les établissements de santé et dans le numérique. 130 millions d'euros sont également consacrés au financement de la modernisation des établissements médico-sociaux. Une expérimentation de rémunération forfaitaire au parcours pour la prise en charge des patients diabétiques et insuffisants rénaux chroniques est instaurée par la réforme, afin de diversifier les modes de financement des professionnels et des structures de soins, et ainsi couper avec la logique du paiement à l'acte, encourager la qualité, le suivi préventif sur le long terme et la pertinence des soins. Cette expérimentation sera élargie en 2020 à d'autres pathologies, et s'ouvrira ensuite sur la ville et les coordinations ville-hôpital. Une dotation de 300 millions d'euros (contre 60 millions en 2018) sera allouée à la recherche de qualité. Les dotations seront attribuées aux établissements sur la base d'indicateurs de qualité transversaux, entre 7 et 10 contre 35 aujourd'hui. Elle se mettra en place progressivement et concernera en 2019 les seuls établissements de santé (médecine chirurgie obstétrique, soins de suite et de réadaptation et hospitalisation à domicile). En outre, de financements seront dégagés pour "faire émerger les organisations professionnelles de demain", les nouveaux modes d'organisation et de financement innovants, autant de projets présentés par les libéraux, les hospitaliers ou l'assurance maladie dans le cadre de l'article 51 de la loi de financement de la Sécurité sociale 2018.   L'obligation de la mention manuscrite "NS" supprimée Le PLFSS prévoit également de faciliter les organisations de terrain interprofessionnelles, en permettant aux sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA) d'employer directement des infirmières en pratique avancée. Une autre disposition facilite le remplacement de médecins par des étudiants en médecine ou de jeunes médecins, en simplifiant le régime social associé et mettant en place un taux unique et une assiette simple. Le PLFSS entend par ailleurs favoriser l'accès à l'innovation thérapeutique et faire évoluer la régulation du secteur du médicament par l'élargissement des dispositifs d''autorisation temporaire d'utilisation (ATU) notamment. Conformément aux engagements pris devant le CSIS (Conseil stratégique des industries de santé), un cadre juridique plus stable sera construit, avec régulation globale de la dépense de médicaments, entre la ville et l'hôpital. "Afin de donner de la visibilité aux entreprises, le seuil de déclenchement du dispositif de régulation sera fixé pour les trois prochaines années, égal à 0,5 % du chiffre d'affaire global", précise le ministère. Le Gouvernement souhaite également simplifier la clause de sauvegarde, qui se met en place pour protéger l'Assurance maladie de hausses trop importantes des dépenses associées aux médicaments. Les paramètres de déclenchement de cette clause seront désormais annoncés sur plusieurs années à l'avance. Mais l'objectif d'évolution des dépenses se base aussi sur une économie de 3,8 milliards d'euros (contre 4,2 milliards cette année), prélevée sur l'évolution spontanée des dépenses, dont 1 milliard sur le médicament, "remises comprises", a bien précisé Agnès Buzyn. Ce qui, pour le médicament, se traduira par un encouragement à la substitution par le pharmacien, en faisant reposer la justification de la mention "non substituable" par le prescripteur sur des critères médicaux objectifs, définis en lien avec l'ANSM. "Pour faciliter cette information par le prescripteur, l'obligation de la mention manuscrite sera supprimée". De plus, un assuré qui refuserait la substitution sans justification médicale sera pénalisé par un remboursement effectué sur la base du prix du générique et non du princeps à partir du 1er janvier 2020. D'autres économies sont attendues : baisse de prix "sur les médicaments les plus anciens", amélioration des achats dans les établissements hospitaliers, par le biais d'achats groupés dans les GHT, et recours à la chirurgie ambulatoire (660 millions d'euros). La maîtrise médicalisée des dépenses en ville, la pertinence des soins de ville, les mesures sur les génériques, la maîtrise des indemnités de transport devraient rapporter 800 millions d'euros. La réduction des frais de gestion de la Sécurité sociale, 1,4 milliard d'euros… Agnès Buzyn a informé qu'une mission spécifique allait se mettre au travail, dès demain mercredi, pour "mieux décrypter les causes de l'inflation des indemnités journalières", qui croissent de 4,6 % an (surtout les arrêts courts) et proposer les voies et moyens pour en réduire le dynamisme et le volume.    

Les chiffres clé
Le Gouvernement l'affirme : le "trou de la Sécu" est "en passe d'être comblé", alors que 120 milliards de dette sociale restent à payer d'ici à 2024. Pour équilibrer les comptes, le Gouvernement a par ailleurs prévu de "maîtriser les dépenses" des grandes branches de la Sécurité sociale afin d'"économiser 5,7 milliards d'euros", a-t-il indiqué.
Voici les principaux postes concernés :
- + 0,3 % de revalorisation des retraites versées par l'assurance vieillesse et les prestations familiales, contre une inflation de 1,6 %
- ​3,8 milliards d'économies dans l'Assurance maladie, un montant proche des années précédentes et réparti entre l'hôpital, la médecine de ville et l'industrie pharmaceutique
- Mesures annoncées en faveur des Ehpad, contre la pauvreté et sur la transformation du système de santé - Coup de pouce pour la garde d'enfants handicapés, allongement du congé maternité pour les travailleuses indépendantes...
- Extension de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) aux patients titulaires de l'ACS, insuffisamment utilisée (couverture proposée à 1 euro par jour)
- Réforme  du "100% santé" qui doit aboutir d'ici à 2021 au remboursement intégral de certaines lunettes, prothèses dentaires et audioprothèses
- + 400 millions pour l'Assurance maladie, dont l'Ondam augmente de 2,5 % au lieu de 2,4 % annoncés
- Transformation du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) en baisses de cotisations patronales (20 milliards d'euros), qui seront compensées l'an prochain par des recettes équivalentes de TVA. Une contrepartie que le Gouvernement envisage d'ores et déjà de "réduire progressivement" à partir de 2020. [Avec AFP]

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