Maladie d’Alzheimer : découverte de cas iatrogènes, dus à la transmission par l’hormone de croissance

  Ces recherches font suite à de précédents travaux réalisés après le drame des morts de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) dus à des injections d'hormone de croissance contaminée par des prions. En 2015, en effet, des chercheurs avaient montré que des échantillons stockés de l’hormone de croissance étaient aussi porteurs de la protéine bêta-amyloïde (Aβ); et qu’une contamination à très long terme était possible (études sur des modèles murins). Les auteurs britanniques ont donc émis l’hypothèse que des personnes traitées par hormone de croissance et qui ne sont pas décédées de la MCJ pourraient éventuellement développer une MA. Pour cela, ils ont analysé les patients qui avaient reçu de l’hormone de croissance et qui ont développé des symptômes neurologiques compatibles avec une MA. Sur 8 patients repérés, 5 ont finalement eu un diagnostic de MA, qui a ensuite été confirmé par une analyse des biomarqueurs. Les symptômes sont apparus entre 38 ans et 55 ans. Les présentations cliniques de ces patients étaient variées, de même que la durée et la fréquence du traitement. "Nos cas suggèrent que, à l’instar de ce qui est observé dans les maladies à prions humaines, les formes iatrogènes de la maladie d’Alzheimer diffèrent phénotypiquement des formes sporadiques et héréditaires, certains individus restant asymptomatiques malgré l’exposition aux graines Aβ en raison de facteurs de protection actuellement inconnus", résument les chercheurs. Ces données "devraient inciter à la fois à une réflexion plus approfondie sur les implications en matière de santé publique et sur la prévention primaire de la maladie d’Alzheimer iatrogène, par exemple en assurant une décontamination efficace des instruments chirurgicaux", ajoutent les auteurs. Ils concluent que "bien que la MA iatrogène puisse être rare et que rien ne suggère que la protéine amyloïde puisse être transmise entre individus dans les activités de la vie quotidienne, sa reconnaissance souligne la nécessité de revoir les mesures visant à prévenir les transmissions accidentelles via d'autres procédures médicales et chirurgicales".   Prudence Pour certains, ces résultats sont cependant à prendre avec précaution. Ainsi, ils doivent être accueillis "avec une certaine dose de scepticisme", souligne les Prs Mathias Jucker (Institut Hertie pour la recherche clinique sur le cerveau, Université de Tübingen, Allemagne), et Lary C. Walker (département de neurologie de l'Université Emory, Atlanta), dans un éditorial accompagnement la publication de cette étude. "Les cas présentés sont divers et compliqués ; les individus ont subi une variété d'interventions médicales pour divers troubles plus tôt dans leur vie, et il est difficile d'exclure une contribution de ces circonstances aux phénotypes complexes de la maladie qui sont apparus de nombreuses années plus tard", écrivent-ils. Toutefois, "il y a de bonnes raisons de prendre ces résultats au sérieux", poursuivent-ils. Quoiqu’il en soit, cette étude "renforce le potentiel des protéines [bêta]-amyloïde en tant que cibles pour la prévention précoce, et il souligne l'importance d'une prudence éclairée dans la préparation des instruments chirurgicaux, la manipulation des tissus et la mise en œuvre de produits biologiques thérapeutiques, en particulier ceux dérivés de sources humaines", ajoutent les experts