L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) devrait rendre, le 26 juin, un avis sur les perspectives de production et de mise à disposition du cannabis dans un but thérapeutique. « Pour donner un coup de pouce » à cette légalisation, la sénatrice Esther Benbassa, élue Europe Ecologie-Les Verts à Paris, a initié avec le soutien du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste (CRCE), un débat sans vote sur ce thème le mercredi 29 mai au Sénat. La sénatrice a rappelé « qu’entre 300 000 et 1 million de patients pourraient être concernés en France » et que, du fait de l’absence de légalisation, « beaucoup de malades se mettent dans l’illégalité pour soulager leurs souffrances ». « Certains fument du cannabis coupé avec du tabac, qui provoque en raison d’un taux élevé de tétrahydrocannabinol (THC) un effet psychotrope non adapté à leur situation, l’effet thérapeutique reposant sur un équilibre entre THC et cannabidiol ou CBD. D’autres s’approvisionnent à l’étranger, ce qui peut représenter un coût de 500 à 2000 euros par mois ». Pourtant, une vingtaine de pays européens ont légalisé le cannabis thérapeutique et l’enquête de l’IFOP, organisée pour Terra Nova et EchoCitoyen, publiée le 11 juin 2018, a montré que 82 % des sondés sont favorables à l’usage du cannabis sur prescription médicale. « Il faudra veiller à ce que le champ de prescription du cannabis thérapeutique ne soit pas complexe et restrictif et que les médecins généralistes reçoivent rapidement une formation pour l’administrer », a souligné Esther Benbassa. Les sénatrices communiste et socialiste, Laurence Cohen et Laurence Rossignol, ont approuvé cette légalisation. Favorable à la création d’une filière chanvre thérapeutique française, Joël Labbé, sénateur du Morbihan, rattaché au Groupe du Rassemblement Démocratique et Social européen, a annoncé qu’il allait déposer des amendements pour la légalisation du cannabis médical lors de l’étude du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé. Malgré tout, des sénateurs du groupe majoritaire Les Républicains (LR) se sont montrés moins enthousiastes et Chantal Deseyne, sénatrice LR d’Eure et Loir, a considéré qu’il ne fallait pas « que ce débat constitue un cheval de Troie vers la libération de la consommation du cannabis récréatif ». Présent lors du débat, Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a confirmé que l’expérimentation proposée par le comité scientifique, créé en septembre 2018 par l’ANSM pour préciser la place du cannabis thérapeutique, aurait lieu comme prévu après la publication de l’avis de l’agence, « l’usage thérapeutique du cannabis étant une priorité de la ministre de la Santé ». « Les exemples à l’étranger nous guideront pour établir les modalités d’usage thérapeutique du cannabis dans notre pays », a-t-il ajouté. Cinq indications envisagées Le comité scientifique de l’ANSM a retenu 5 situations thérapeutiques pour l’usage du cannabis à des fins médicales : douleurs réfractaires aux thérapies, certaines formes d’épilepsie sévères pharmacorésistantes, soins de support en oncologie, situations palliatives, spasticité douloureuse de la sclérose en plaques. La voie d’administration fumée devrait être exclue en raison de ses risques pour la santé. Lors d’une réunion organisée la veille du débat au Sénat par Esther Benbassa, le Pr Didier Jayle, addictologue, a insisté sur l’importance que « cette expérimentation soit mise en place rapidement, car le retard est notable et beaucoup de médecins restent réticents ». « Le Sativex, un médicament à base de THC et de CBD, qui dispose d’une autorisation de mise sur le marché depuis 2014 dans la spasticité de la sclérose en plaques n’est d’ailleurs toujours pas commercialisé », a-t-il regretté. Des enjeux multiples Mado Gilanton, porte-parole d’Espoir-Impatient, qui représente 45 associations, a souligné « l’importance de disposer du cannabis thérapeutique, sous toutes ses formes pour se traiter en sécurité sans alimenter l’économie souterraine », « et limiter aussi chez certains patients l’abus d’opioïdes », dont on connait les risques. Béchir Bouderbala du collectif Alternative thérapeutique pour le cannabis à visée thérapeutique (ACT) a plaidé pour que les usagers médicaux ne soient plus poursuivis. Ce qui pourrait passer « par la publication immédiate, d’une circulaire incitant les Procureurs de la République à davantage de tolérance envers les usagers, disposant d’une prescription médicale », a-t-il indiqué. Les enjeux du cannabis thérapeutique sont sociaux, éthiques, scientifiques mais aussi économiques. Le Pr Amine Benyamina, psychiatre et spécialiste des addictions (Hôpital Paul Brousse Villejuif, 94) a rappelé qu’il faudra être vigilant « car l’industrie du tabac et de l’alcool est sur les rangs ». Pour le sénateur Joël Labbé, « la France pourrait être leader dans la filière chanvre ».
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