Une étude qui vient de paraître dans la revue JAMA-Psychiatry montre que la marijuana n’aurait que des effets faibles et passagers sur les capacités cognitives des jeunes consommateurs. Mais bien que rassurants, ces résultats ne convainquent pas complètement…
Le cannabis est l’une des substances psychoactives qui a suscité le plus de controverse au sein de la communauté scientifique. Au cours des 2 dernières décennies, ses liens avec les troubles psychotiques, la schizophrénie notamment, ont été largement débattus. Cependant, les études sur les jeunes consommateurs de cannabis ont peut-être surestimé l'ampleur et la persistance des déficits cognitifs associés à l'usage de la marijuana. C’est ce que montre une importante revue systématique de la littérature publiée le 18 avril dans la revue JAMA Psychiatry*. Selon les résultats de cette étude menée par J. Cobb Scott, de l’Université de Pennsylvanie, l'exposition au cannabis chez les adolescents et les jeunes adultes n'est associée à aucun effet négatif significatif à long terme sur les performances cognitives pour une majorité d’individus.
Les investigateurs ont examiné les données de 69 études publiées entre 1973 et 2017 portant sur 8 727 sujets (2 152 utilisateurs fréquents ou importants et 6 575 sujets témoins). Bien que l’ampleur des effets du cannabis variait selon la tâche mentale mesurée (mémoire, langage, attention, vitesse d’exécution, etc.), ils étaient globalement faibles. L’étude a montré une faible mais significative réduction du fonctionnement cognitif chez les adolescents et les jeunes adultes qui ont signalé une consommation fréquente de cannabis (IC à 95%, -0,32 à -0,17, p <0,001). Ils n'ont signalé aucun déficit significatif à long terme de la mémoire, de l'attention ou d'autres aspects du fonctionnement cognitif qui pourrait être attribué de façon indépendante à la consommation de cannabis, quelques soit l'âge d'initiation des sujets. Et quand les investigateurs ont comparé les études dans lesquelles les investigateurs avaient demandé aux participants de ne plus consommer de cannabis pendant au moins 72 heures à ceux à qui ils n’avaient pas imposé une telle condition, ils se sont rendu compte que la période d’abstinence effaçait presque tous les effets délétères. Ainsi, les études prenant en compte une période d'abstinence de plus de 72 heures (15 études, n = 928) ont montré un effet qui n'était pas significatif (IC 95%, -0,22 à 0,07). Les auteurs concluent que « les associations entre l'usage de cannabis et le fonctionnement cognitif observées dans les études transversales portant sur les adolescents et les jeunes adultes sont faibles et peuvent être d'une importance clinique discutable pour la plupart des individus. » De plus, une abstinence de plus de 72 heures diminue les déficits cognitifs. Pour les auteurs, les prochaines études sur ce thème devraient examiner les différences de susceptibilité individuelle aux dysfonctionnements cognitifs associés au cannabis. Ces données sont plutôt rassurantes. Mais il ne s’agit que d’une étude parmi d’autres et plusieurs travaux ont suggéré, ces dernières années qu’une consommation importante de marijuana à l’adolescence pouvait réduire le QI de manière permanente. Et les 69 études analysées par les auteurs ont été réalisées sur une grande période de temps, entre 1973 et 2017. Or dans les années 70, les méthodes d’expérimentation n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui, et le cannabis avec une teneur en THC moins élevée. Cela a pu réduire artificiellement l’effet de cette drogue dans l’étude. Enfin, ce travail ne mesure pas la quantité de cannabis qui est consommée. Or on sait que les effets délétères surviennent en fonction de la quantité. Enfin, récemment, une vaste étude finlandaise de l’université d’Oulu montrait que les personnes ayant consommé régulièrement du cannabis à l’adolescence ont trois fois plus de risques de développer un trouble psychotique de type schizophrénique avant l’âge de 30 ans. Dans un objectif de prévention, plusieurs pays ont aménagé le cadre législatif. Aux États-Unis, son usage a été autorisé dans un contexte médical initialement, la distribution a ensuite été gérée par l’État et sa consommation permise. À l'heure actuelle, l'usage médical et la distribution de cannabis sont réglementés dans 30 États. Huit États réglementent également la vente au détail de cannabis aux adultes. En France, le cannabis reste actuellement sous le coup de la loi de 1970, au même titre que toutes les autres substances illicites. « Cependant, ce cadre essentiellement répressif ne permet pas de réguler son usage et les problématiques qui découlent de sa consommation. Ainsi, le débat continue : quelle place lui accorder au sein de notre société ? » se demandait Amine Benyamina et Lisa Blecha (Département de psychiatrie et d’addictologie, hôpital Paul-Brousse, AP-HP, Villejuif) dans une tribune récemment publiée dans La Revue du Praticien Médecine générale (2017, 31, n°987, 641-42). « Afin d’élaborer une politique équilibrée, il est fondamental de mesurer les risques mais également de tenir compte des bienfaits potentiels, en se fondant sur des données scientifiques objectives ». Cette nouvelle étude contribue aux débats.
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