Les 28èmes Journées européennes de la Société française de cardiologie, qui se sont déroulées à Paris du 17 au 20 janvier 2018, ont permis de présenter les principales avancées de la spécialité.
Les données de plusieurs études, publiées cette année, pourraient déboucher sur des modifications de la prise en charge thérapeutique dans le choc cardiogénique, l’angor stable, la fibrillation atriale, et certaines formes rares d’insuffisance cardiaque liées à l’amylose. Ce congrès a aussi permis de détailler les apports de registres mis en place par les cardiologues comme Disco dans la dissection coronaire, et Crac chez les patients ayant subi une angioplastie coronaire. Ainsi, que ce soit dans la prise en charge du choc cardiogénique, du post-infarctus, ou de la maladie coronaire stable, de nouvelles données thérapeutiques ont été présentées. "S’il ne représente que 5 % environ des syndromes coronaires aigus en France, le choc cardiogénique reste une pathologie grave", a précisé le Dr Olivier Barthélémy (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris). "La revascularisation myocardique est le seul traitement, qui a démontré ses bénéfices dans cette affection cardiaque", a-t-il ajouté. "Jusqu’ici, les recommandations de la Société européenne de cardiologie préconisaient de pratiquer un geste de reperméabilisation multivasculaire par angioplastie chez les patients multitronculaires, qui représentent la majorité des malades avec un choc cardiogénique, en dépit de conclusions discordantes entre, d’une part, essais cliniques randomisés privilégiant ce traitement et études de registre rapportant un accroissement de la mortalité à court terme avec ce geste". Les données de l’étude Culprit-Shock, qui a comparé angioplastie immédiate de tous les lits coronaires avec celle de la seule lésion coronaire responsable, chez 686 patients avec des lésions multitronculaires victimes de choc cardiogénique après infarctus du myocarde "devraient déboucher sur un changement des recommandations européennes", a indiqué le Dr Barthélémy (1). "Cet essai, qui est le plus vaste jamais réalisé en Europe dans le choc cardiogénique", a en effet mis en évidence une différence de 10 points à 30 jours, en faveur de la seule revascularisation immédiate de la lésion coronaire responsable de l’infarctus pour le critère de jugement primaire de l’essai (mortalité totale et recours à la dialyse rénale) : 45,9 % d’événements contre 55,4%, soit un risque abaissé de 17 % (p = 0,01). "Ce résultat était largement expliqué par une réduction de la mortalité, - 16 %", a précisé le Dr Barthélémy. La conclusion semble robuste, car le traitement de revascularisation ciblé faisait mieux dans tous les sous-groupes de patients analysés (indépendamment de leurs caractéristiques cliniques, de leurs antécédents, de la catégorie de l’infarctus ST+ ou ST-, que 2 ou 3 vaisseaux coronaires soient atteints…).
Les anticoagulants dans la maladie coronaire stable
D’autres actualités thérapeutiques concernent les patients coronariens. "Les stents biorésorbables sont malheureusement mis de côté pour l’instant, car s’ils sont aussi efficaces que les stents classiques, ils semblent exposer, pour des raisons encore mal comprises, à un risque de thrombose de stent triplé", a signalé le Pr Johanne Silvain (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris) (2). "En revanche, les résultats de l’étude Compass pourraient modifier la prise en charge dans la maladie coronaire stable en introduisant les anticoagulants dans l’arsenal thérapeutique". Cette étude a, en effet, montré que l’association du rivaroxaban avec l’aspirine, se traduit, après 23 mois de suivi en moyenne, par une diminution significative de 18 % de la mortalité globale et de 24 % des événements cardiovasculaires (infarctus du myocarde, AVC, décès cardiovasculaires) par comparaison à l’aspirine seule (voir Egora n°147) (3). "Les hémorragies majeures étaient certes significativement plus nombreuses après prise de rivaroxaban : 3,1 % versus 1,9 %. Mais, le nombre d’hémorragies fatales n’a pas été accru et, globalement l’étude a conclu à un bénéfice net en faveur de l’addition de cet anticoagulant direct", a rappelé le Pr Silvain.
France PCI, prochain registre national de cardiologie interventionnel
Si l’on excepte Fast-MI, dans l’infarctus du myocarde, les registres cardiologiques sont peu nombreux en France. Ceci pourrait changer. Afin d’améliorer les pratiques, des cardiologues de 6 centres de coronarographie de la région Centre Val de Loire ont, en effet, créé en 2014 un registre, le Registre du Club Régional des Angioplasticiens du Centre (Crac), qui assure le suivi sur 1 an des patients angioplastiés. Ce registre analyse aussi, sur demande de l’agence régionale de santé (ARS), les données pré-hospitalières des infarctus ST+ datant de moins de 24 heures. Il s’étend aujourd’hui à d’autres régions comme l’Auvergne Rhône-Alpes et la Normandie, "et la Bretagne, l’Ile de France, la Nouvelle Aquitaine sont dans les starters pour y participer", s’est félicité son coordinateur, le Dr Grégoire Rangé (Les Hôpitaux de Chartres). Grâce au soutien du ministère de la santé et des différentes ARS, le registre devrait même se transformer en registre national, France PCI (www.francepci.com), à l’horizon 2020. La construction du registre, "qui n’engendre qu’un coût supplémentaire de 10 euros par angioplastie" s’est fortement inspirée du registre suédois SCAAR, "dont la mise en route s’est traduite depuis 20 ans par une amélioration de la qualité des soins et du pronostic des patients", a rapporté le Dr Rangé. En septembre 2016, les auteurs du registre CRAC décrivaient avoir répertorié près de 37 000 coronarographies, 15 000 angioplasties coronaires, soit 98 % des examens réalisés, et recueilli les données de 2 600 infarctus ST+ de moins de 24 heures (4). Ce registre a déjà fourni des informations intéressantes, en montrant que si le choix des nouveaux anti-agrégants plaquettaires P2Y12 (ticagrélor, prasugrel) est globalement bien respecté dans la maladie coronaire, la double anti-agrégation est prolongée de façon illégitime après une angioplastie coronaire au-delà de 12 mois chez plus de la moitié des patients avec un angor stable ou un SCA (5). Les auteurs proposent que le cardiologue interventionnel soit plus explicite sur la durée du double traitement anti-agrégant dans son compte-rendu d’hospitalisation, son ordonnance de sortie…, le manque de données conduisant médecin généraliste et cardiologue traitant à prolonger la bithérapie par peur d’une thrombose de stent. Il serait peut-être aussi utile, selon les auteurs, de programmer systématiquement une consultation d’arrêt avec le cardiologue implanteur, et d’utiliser plus largement le DAPT score pour mieux analyser le rapport bénéfice-risques de la prolongation, ou non, de la bithérapie anti-agrégante (5).
- Thiele H, et al. N Engl J Med 2017 ; 377 : 2419-2432.
- Wykrzykowska JJ, et al. N Engl J Med 2017 ; 376 : 2319-2328.
- Eikelboom JW, et al. N Engl J Med 2017 ; 377 : 1319-1330.
- Rangé G. Cardio H. Revue du Collège National des Cardiologues des Hôpitaux (CNCH). Septembre 2016 ; 37 : 25-28.
- Rangé G, Hakim R, Albert F. Cardio H. Février 2017 ; 39 : 20-24.
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