Un patient consulte un chirurgien qualifié en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, aux fins d’une pénoplastie (opération de chirurgie intime qui permet un allongement du pénis ou un épaississement). Contestant les résultats de cette intervention, ce patient décide de porter plainte contre ce praticien devant l’Ordre, une expertise ayant établi qu’il souffrait de graves séquelles en lien avec les interventions de ce spécialiste. En première instance, ce médecin est condamné à six mois d’interdiction d’exercice dont trois mois assortis du sursis. Il décide de faire appel de cette décision, tout comme son patient qui souhaitait une sanction encore plus sévère. Dans une décision du 9 février 2022, la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre lui a donné raison et aggravé la sanction prononcée contre ce praticien en le condamnant à deux ans d’interdiction d’exercice dont un an assorti du sursis.
Violation du secret médical Saisi en dernier recours, le Conseil d’Etat a retenu une autre infraction à l’encontre de ce chirurgien, à savoir une violation du secret médical. En effet, pour sa défense, et pour démontrer la fragilité mentale et psychologique de son patient, ce médecin avait produit, devant la juridiction disciplinaire, un bilan d’une prise en charge de ce patient datant de 2014 réalisé par l’hôpital Charcot, établissement public de santé spécialisé dans la prévention et la prise en charge de la maladie mentale. Il justifiait cette production pour relativiser sa mise en cause au regard de la maladie mentale dont souffrirait son patient. L’Ordre national n’a rien trouvé à redire et a considéré que ce confrère n’avait pas méconnu son obligation de respecter le secret médical découlant des dispositions de l’article R.4127-4 du Code de la santé publique. Selon cet article, "le secret professionnel institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris". Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 22 août 2023, a donné tort à l’Ordre et...
condamné à nouveau ce praticien, "alors qu’il lui appartenait de rechercher si cette production de pièces couvertes par le secret médical était, dans le cadre de l’instance disciplinaire en cause, non pas seulement nécessaire, mais strictement nécessaire à la défense de ses droits par l’intéressé". Pour le Conseil d’Etat, la chambre disciplinaire nationale a commis une erreur de droit. Pour la juridiction administrative, un médecin ne doit rien révéler de ce qu’il a connu ou appris sur son patient. Dans un autre arrêt du 5 février 2014, il a également été jugé par le Conseil d’Etat que le secret "ne couvre pas seulement les données à caractère médical d’un patient mais couvre également toute information de caractère personnel relative à ce dernier, qu’elle ait été confiée au praticien par le patient ou que le praticien l’ait vue, entendue ou comprise dans le cadre de son exercice". Comme le rappelle le Conseil national de l’Ordre, dans ses commentaires de l’article R.4127-4 du Code de la santé publique, "lorsque la responsabilité d’un médecin est mise en cause devant une juridiction, il peut porter à la connaissance du juge certains faits médicaux ou certains documents utiles à la manifestation de la vérité et à sa défense". Mais comme vient de le rappeler le Conseil d’Etat, un médecin poursuivi et mis en cause, doit limiter ses révélations à ce qui est strictement nécessaire à sa défense, même si ces révélations ont pu avoir une incidence sur l’état de santé et le comportement du patient plaignant.
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