"Les étudiants sont très souvent pris pour des larbins" : 77% des futures infirmières ont déjà songé à arrêter leurs études
Les étudiants en soins infirmiers étaient trois fois plus nombreux à abandonner leur formation en première année en 2021 qu'en 2011, révélait la Drees en mai 2023. Une enquête, réalisée par la plateforme Réussis ton Ifsi et l'association SPS, s'est intéressée aux raisons de cette désillusion.
Si 75% des étudiants en soins infirmiers se disent très satisfaits ou satisfaits par leur choix de formation – majoritairement commandé par un désir d'aider les autres, nombreux sont ceux qui ont déjà envisagé de jeter l'éponge. C'est ce que révèle une enquête réalisée par la plateforme d'apprentissage Réussis son Ifsi et l'association SPS auprès de plus de 6000 étudiants.
Ainsi, sur l’ensemble des répondants, 77% ont songé à abandonner leur formation. Un taux qui grimpe à 96% chez les étudiants s'étant déclarés insatisfaits par leurs études. Ce taux de 77% est nettement supérieur à celui de l'enquête de la Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières (FNESI) de 2022, qui s'élevait à 59,2%.
Différentes raisons sont évoquées par Réussis ton Ifsi et la SPS : une anxiété liée aux stages (55%), un épuisement (44%), une charge de travail institutionnelle élevée (29%), une anxiété liée aux examens (29%), un manque de soutien social ou institutionnel (17%), des difficultés financières (14%), les conditions de travail (13%) ou encore une anxiété par rapport à leur avenir professionnel (12%).
Si cette nouvelle enquête ne donne pas de chiffres sur les abandons effectifs, la Drees s'était penchée sur le problème dans un rapport de mai 2023 qui montrait que 10% des étudiants en première année de formation avaient abandonné leurs études en 2021 alors qu'ils n'étaient que 3% en 2011. Soit un triplement du taux d'abandon en première année. Sur l'ensemble du cursus classique – d'une durée de trois ans, le taux d'abandon était de 14%, selon la Drees.
"Les étudiants sont très souvent pris pour des larbins"
"Dans ma promo, il y avait déjà 9 abandons après le 1er stage, il y en aura encore à la fin de cette année. Les encadrements durant les stages sont médiocres. Les étudiants sont très souvent pris pour des larbins, pris de haut. J’ai eu personnellement une mauvaise expérience de stage, c’était le premier. Les stages sont à mon avis la raison principale des abandons de formation", témoigne une future soignante, sondée par Réussis ton Ifsi et l'association SPS.
"Si l'on pouvait s'attendre à ce que les idées d'abandon soient plus fréquentes en première année, lors de la découverte des réalités du métier et de la confrontation aux conditions difficiles, nos données révèlent une hausse notable en troisième année (+14% par rapport à la première année)", soulignent, en outre, les auteurs du rapport. Ce constat montre que "les tensions et les désillusions ne diminuent pas avec le temps, mais tendent à augmenter à mesure que les étudiants approchent de la fin de leur formation".
Ces enseignements mettent en lumière la "vulnérabilité" des étudiants en soins infirmiers, alerte le rapport. Manque de sommeil, mauvaise alimentation, absence d'activité physique… La majorité des élèves sondés évaluent ainsi leur santé physique comme "moyenne". Et 21% la considèrent "mauvaise" ou "très mauvaise". L'enquête constate par ailleurs une "dégradation" au fil du cursus. S'agissant de la santé mentale, 42% des étudiants en soins infirmiers la jugent "moyenne", 21% "mauvaise" et 6% "très mauvaise".
27% des répondants ont déclaré avoir eu des pensées suicidaires au cours de l’année. En hausse par rapport aux précédentes études de la FNESI (16,4% en 2022 et 7,4% en 2017). Parmi ceux qui ont déclaré des pensées suicidaires, 76% rapportent des difficultés professionnelles, 60% mentionnent des difficultés institutionnelles, 49% des difficultés personnelles. Enseignement alarmant : 81% des étudiants ayant eu des pensées suicidaires rapportent avoir subi des violences durant leurs études ou leurs stages, psychiques dans 39% des cas.
Parmi les étudiants ayant déclaré avoir subi des violences (psychologiques, verbales ou physiques), 85% ont songé à quitter la formation.
1400 élèves sondés (soit 22,4%) disent par ailleurs ressentir une pression excessive ou de l'anxiété liée aux stages tout le temps, 40,1% souvent. En outre, 65% des étudiants rapportent rencontrer des difficultés financières (49% des étudiant(e)s jugent leurs ressources insuffisantes). 34% déclarent devoir travailler à côté "pour couvrir leurs besoins essentiels". 53% des étudiants en soins infirmiers disent par ailleurs se sentir isolés.
"Les résultats de l’enquête révèlent ainsi un profond malaise parmi les ESI, concluent les auteurs de ce rapport, qui appellent à mettre en place des "mesures préventives" et "de soutien" adaptées. Le lien étroit entre pensées suicidaires, exposition à des violences, épuisement psychique, et envie d'abandonner la formation, est particulièrement alarmant."
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