Vente aux enchères de la radio d'une blessée du 13 novembre : le chirurgien sera poursuivi devant l'Ordre des médecins
Après les révélations de Mediapart, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ainsi que la déléguée interministérielle à l'aide aux victimes ont annoncé leur intention de poursuivre devant l'Ordre des médecins le chirurgien orthopédique de l'Hôpital européen George-Pompidou (HEGP) qui a mis en vente la radio d'une femme blessée lors de l'attentat au Bataclan le 13 novembre 2015. 2776,70 dollars. C'est le prix auquel ce chirurgien orthopédique de l'HEGP a mis en vente sur la plateforme OpenSea un cliché d'un genre particulier : la radio d'un bras sur laquelle on distingue un projectile logé le long de l'os. L'"œuvre" a pour titre "Bataclan terrorist attack – November 2013, 2015 – Paris, France". D'après Mediapart, qui a révélé l'affaire samedi 22 janvier, le vendeur assure être le chirurgien qui a opéré cette "jeune patiente", qui présentait "une fracture ouverte de l'avant-bras gauche avec une balle restante de Kalachnikov dans les tissus mous". Contacté par Mediapart, le PU-PH en question, qui exerce à l'HEGP, a tenté d'expliquer sa démarche. Vivement intéressé par les crypto-monnaies NFT (non-fungible tokens, jetons non fongibles) et le blockchain*, le praticien dit avoir voulu faire une "expérience", utilisant le crypto-art "dans une vocation pédagogique, pour intéresser les gens". "C'est peut-être une erreur", concède-t-il. Il reconnait par ailleurs n'avoir sollicité ni l'autorisation de la patiente, ni celle de l'AP-HP pour publier le cliché. "On publie des éléments tirés de dossiers médicaux dans des revues scientifiques, on n’a jamais demandé l’autorisation à l’AP-HP. Cette diapo-là, je l’ai présentée dans le monde entier, à Harvard, etc.", justifie-t-il, assurant que la patiente n'est pas identifiable. "Convoqué" L'AP-HP n'a pas tardé à réagir. "Particulièrement attachée au respect de la dignité des patients", elle précise à Médiapart avoir "veillé à préserver" les blessés des attentats du 13 novembre "des risques d’exploitation de leur image". "Cette action est contraire au code de déontologie et va conduire l’AP-HP, sans préjudice d’autres actions, à saisir l’ordre des médecins. L’intéressé sera convoqué pour qu’il s’explique et que l’ensemble des suites à donner puissent être appréciées." Dans un message aux personnels de l'AP-HP, le directeur général Martin Hirsch a dénoncé un "acte scandaleux" et un "comportement odieux". "Cet acte est contraire à la déontologie, met en cause le secret médical, va à l'encontre des valeurs de l'AP-HP et du service public", écrit-il. "Nous considérons qu'il est d'une gravité exceptionnelle." Martin Hirsch précise que l'AP-HP va saisir l'Ordre "conjointement avec l'université" mais aussi qu'il va signaler les faits à la justice "en application de l'article 40 du code pénal" et "saisir les ministres qui disposent du pouvoir disciplinaire". "Un tel comportement est indigne et heurte notre conception du service public, poursuit le directeur général de l'AP-HP. Il serait scandaleux dans toutes circonstances, et pour tout patient. Il prend une résonnance d'autant plus abjecte dans le contexte du procès en cours et de ce qu'ont enduré les victimes de ces attentats."
Pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur notre indignation, je partage exceptionnellement le message que j’ai adressé ce soir à l’ensemble de l’@APHP pic.twitter.com/VLbfICPuhc
— Martin Hirsch (@MartinHirsch) January 22, 2022
Frédérique Calandra, déléguée interministérielle à l'Aide aux victimes auprès du Garde des sceaux, a également annoncé sur Twitter qu'elle allait "saisir l'ordre des médecins". "Les victimes doivent pouvoir continuer à avoir confiance en leurs soignants", a-t-elle twitté.
C'est inadmissible. Je vais saisir l'ordre des médecins et entrer en contact avec l'APHP. Les victimes doivent pouvoir continuer à avoir confiance en leurs soignants.
— Déléguée interministérielle à l'aide aux victimes (@DIAVictimes) January 22, 2022
Les associations de victimes des attentats du 13 novembre ont elles aussi réagi, Life for Paris fustigeant la "bêtise" et la "cupidité d'un 'médecin' qui a visiblement oublié le code de déontologie". L'association indique la victime souhaite garder l'anonymat et "se réserve le droit d'engager des poursuites judiciaires".
Il y a des communiqués de presse que nous préférerions ne pas avoir à écrire. pic.twitter.com/lMdzOFa7F2
— Life for Paris (@lifeforparis) January 23, 2022
Par le biais d'un communiqué transmis à l'AFP, l'avocate de la patiente concernée fustige la "démarche mercantile" et le "mépris" du chirurgien. Elle est, dit-elle, "extrêmement choquée". "Ce médecin, non content de violer le secret médical de cette patiente, a jugé bon de décrire sur le site de vente en ligne la vie privée de cette jeune femme, la rendant ainsi parfaitement identifiable", écrit aussi Me Elodie Abraham au sujet de sa cliente. Il ne "semble pas avoir pris la mesure de son acte puisqu'il n'a pas hésité à prendre contact dimanche avec la victime, pour se justifier sans manifester le moindre regret, ni la moindre empathie à son égard", souligne-t-elle. Depuis ces révélations, la vente a été annulée et le cliché supprimé de la plateforme. *Technologie de stockage et de transformation de d'informations qui fonctionne sans organe central de contrôle et permet à ses utilisateurs, connectés en réseau, de partager des données sans intermédiaires. Plus d'informations sur economie.gouv.fr
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