"Mes profs m'ont dit que j'irais dans la Creuse si j'avais de mauvaises notes" : les étudiants défendent la médecine rurale

15/07/2023 Par Marion Jort
À l’occasion d’une table ronde consacrée à la médecine rurale, médecins, paramédicaux, pharmaciens, patients et étudiants en médecine ont évoqué samedi 8 juillet l’avenir de cette pratique à part. Les carabins ont été les premiers à vanter les mérites d’un exercice “passionnant” grâce à des patients “très reconnaissants”.  

 

C’est une pratique “atypique qui permet de contrecarrer le concept de médecine monotone” : voilà la définition de la médecine rurale qu’a donné Célia, étudiante en cinquième année de médecine à Limoges, invitée d’une table ronde sur le sujet samedi 8 juillet. Intitulé “les soignants inventent une nouvelle médecine rurale”, cet événement - dont Egora est partenaire - réunissait une quinzaine d’intervenants à Chéniers (Creuse), venus témoigner de leurs conditions d’exercice et apporter des pistes d’innovations pour ces territoires.  

Aux côtés des médecins généralistes, des infirmières, un médecin vasculaire, un interniste, un cardiologue ou encore un pharmacien… et des carabins, qui représentent l’avenir de la profession, ont donc fait état de leurs différentes expériences dans ces zones largement sous-dotées. “Mon avis sur la médecine rurale est peut-être biaisé par rapport aux autres étudiants, car j’ai grandi à la campagne”, a d’abord expliqué Célia, provoquant le sourire des autres participants. Alors qu’elle a découvert la médecine rurale au travers d’un stage, la jeune femme a tenu à expliquer que les praticiens qu’elle a pu rencontrer dans ces territoires sont “épanouis”. “C’est franchement motivant et encourageant”, s’est-elle enthousiasmée.  

“Au début de mes études, mes profs me disaient que j’irais dans la Creuse si j’avais des mauvaises notes”, plaisante-t-elle ensuite, regrettant au passage une image dégradée de la médecine de campagne au sein des facultés. Constat partagé par Victor, étudiant à la faculté de Clermont-Ferrand. “Moi, si je devais la qualifier, je lui donnerais l’adjectif ‘inconnue’. Pendant nos études, on ne peut pas découvrir la médecine rurale. Elles sont trop centrées sur la ville.”  

Pourtant, assure-t-il, les carabins sont volontaires pour découvrir de nouveaux terrains de stage en campagne. “À Clermont-Ferrand, nous avons sondé tous les étudiants, et ils étaient une majorité à se prononcer pour plus de stages en périphérie des villes”, a poursuivi le jeune homme, appelant à soutenir cette démarche qui implique “un mode de vie différent”. “Faire découvrir ces territoires qui souffrent de l’inconnu en général, ça ne peut être que favorable”, a-t-il insisté.  

 

“La patientèle, c’est le point fort”  

Célia voit trois avantages majeurs à l’exercice de la médecine rurale, à commencer par la relation avec les patients, le “point fort” selon elle. “On les prend en charge, on les connaît ainsi que toute leur famille. Ils sont très reconnaissants”, a soulevé la jeune femme. Au-delà de ce rapport particulier, elle met en avant la “pluridisciplinarité” de l’exercice qui découle “directement du fait de travailler en territoire isolé”. “Cela encourage tous les acteurs locaux en matière de santé à travailler tous ensemble : infirmières, pharmaciens, kinés… c’est bénéfique pour le patient et pour nous, médecins, car nous avons beaucoup à apprendre des autres professions”, a-t-elle estimé.  

Enfin, pour elle, le dernier atout de la médecine rurale réside dans la conviction “qu’on peut toujours faire mieux avec le peu de moyen qu’on a”. “Ça s’est intensifié avec la raréfaction des spécialistes autour de nous, a-t-elle ajouté. Malgré tout, en médecine rurale, on a plutôt affaire à une patientèle vieillissante. On ne peut pas renoncer au bon soin de nos patients donc les médecins doivent prendre contact avec toutes ces professions. Ça permet d'élargir son champ de compétences et de connaissances, c’est vraiment intéressant.”   

Pour Victor, il est aussi essentiel de rappeler que bien souvent, ces territoires “ont tout ce qu’il faut pour s’épanouir à la fois sur le plan professionnel et professionnel”, ce que recherchent absolument les jeunes médecins aujourd’hui.  

Enfin, interrogés sur le bon “profil type” des futurs médecins qui pourraient être intéressés par ce mode d’exercice une fois diplômés, les étudiants ont considéré qu’il n’y en avait pas : “il faut juste avoir toutes les qualités requises chez les bons médecins, c’est-à-dire des personnes motivées, compétentes, impliquées”, juge Célia. “Un medecin pour qui les relations humaines ont de l’importance et qui accepte et aime la ruralité”, a conclu la jeune femme.  

 

“Maturité”  

L’intervention de ces jeunes étudiants a été unanimement saluée par les participants, qui ont souligné la “grande maturité” de leur réflexion. Ces jeunes ont ensuite pu assister aux récits d’expériences de leurs aînés et découvrir plusieurs solutions pour redynamiser leur exercice, comme l'initiative des “Médecins solidaires” dont le troisième centre est en train de voir le jour dans le département.  

Une place importante a enfin été accordée à l’exercice coordonné et la coopération entre soignants de terrain, véritable “levier” pour une médecine rurale de qualité selon les participants, qui se sont donné rendez-vous pour une nouvelle édition de cette table ronde l’an prochain.  

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Michel Rivoal

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