"Plus de peur que de mal" : deux étudiants en médecine font le bilan de la réforme du concours de l'internat
Il y a une semaine, les futures internes découvraient leur spécialité et leur subdivision. Cette annonce a mis fin à la première année d'entrée en vigueur de la réforme du deuxième cycle des études de médecine (R2C). Entre report de publication de ces résultats et couacs informatiques, ces dernières semaines ont connu quelques accrocs. Anaïs et Quentin, deux carabins qu'Egora suit depuis octobre 2023, nous racontent comment ils ont vécu cette affectation et font le bilan de cette année mouvementée.
"Je n'arrive toujours pas à accéder à la plateforme du CNG*", nous souffle Quentin, ce vendredi 13 septembre. Il est 15h30, les résultats d'affectation des nouveaux internes sont tombés il y a plus de deux heures. Mais l'étudiant nancéen n'arrive pas à les consulter : "Ça tourne dans le vide, je n'arrive pas à rentrer dans le site." Quelques heures plus tôt, le jeune homme de 24 ans a tout de même reçu un mail de l'Ordre des médecins lui demandant de s'enregistrer au RPPS. "J'ai pu voir que j'allais devenir interne en médecine générale. Je suis content, car c'est ce que je voulais", lance-t-il, un sourire dans la voix.
Ce couac informatique n'étonne plus Quentin, après une année à inaugurer la réforme du deuxième cycle des études de médecine (R2C) ; une refonte qui n'était, selon lui, "pas prête" pour être lancée en septembre dernier. Comme près de 8 000 carabins, l'apprenti médecin a passé ces derniers mois les épreuves dématérialisées nationales (EDN) – venues remplacer les célèbres ECN, puis les examens cliniques objectifs et structurés (Ecos) et a dû se faire à la nouvelle procédure d'affectation. Et ce, non sans crainte. "Je me suis inquiété aux EDN car j'avais peur de ne pas avoir la note [minimale] de 14/20, et aux Ecos car je pensais que je n'aurais pas 10/20, mais au final ça l'a fait à chaque fois", glisse-t-il aujourd'hui.
Début novembre, il fera ses premiers pas comme interne en médecine générale à Nancy, ville où il a réalisé son externat. "Je n'avais pas spécialement envie de reconstruire quelque chose dans une autre ville, de devoir retrouver un appartement, me refaire une bande d'amis… Peut-être que je bougerai plus tard", développe Quentin. Au début de la procédure d'affectation, l'étudiant a envisagé d'intégrer une subdivision du sud de la France. Mais "je n'ai pas pu avoir Montpellier, Marseille, Nice ou Lyon", liste celui qui a terminé 6 500ème dans le classement "médecine générale".
"J'ai pu avoir la spécialité que je voulais et ça n'a pas de prix"
Depuis la mise en place de la R2C, les futurs internes ne sont en effet plus répartis dans un seul classement mais dans treize, selon des groupes de spécialité. La procédure permettant d'attribuer à chacun une spécialité et une subdivision a été lancée le 3 août par une phase de simulation. Celle-ci a pris fin mi-août, avant d'entrer dans une phase obligatoire comprenant six tours à blanc. "On devait mettre 40 vœux minimum", rappelle Quentin. Les résultats définitifs, initialement annoncés pour le 10 septembre, ont été décalés de trois jours suite à des dysfonctionnements sur la plateforme d'affectation du CNG.
Un retard difficile à supporter pour de nombreux étudiants, épuisés par cette année de réforme. "[Ce report] n'a pas changé la face de la Terre, reconnait Anaïs, carabine de 24 ans, mais c'était encore un souci de dernière minute qui a repoussé l'échéance. On n'a rien pu faire de plus qu'attendre encore." Début novembre, la Nantaise réalisera son rêve en devenant interne en gynécologie-obstétrique. Classée 2 500ème dans cette spécialité, elle savait qu'elle l'intégrerait, mais avait quelques doutes sur sa subdivision : "J'avais mis Toulouse en premier choix car il y a l'Oncopole puis Rennes pour la qualité de vie et les périphéries, mais c'était intouchable cette année. Il fallait être dans le top 900 pour espérer être à Rennes […] J'ai fait le choix de mettre Bordeaux en troisième choix, et ensuite Caen."
C'est dans cette dernière ville qu'elle a finalement été affectée. "C'était quand même un peu la surprise, car lors du dernier tour [de simulation], j'ai réussi à avoir Bordeaux, raconte Anaïs. Donc je ne savais pas ce qui allait sortir [vendredi 13 septembre, lors de l'annonce des résultats, NDLR]. J'étais quand même dans l'attente, dans l'indécision…" Si elle n'a pas eu ses trois premiers choix, l'étudiante - qui a perdu près de 1 000 places suite aux Ecos** - est plus que satisfaite de son résultat final. "J'ai pu avoir la spécialité que je voulais et ça n'a pas de prix, surtout quand je vois que certains n'ont pas eu cette possibilité", assure-t-elle.
"Je commence à avoir peur de ne pas être à la hauteur"
Pour la future gynéco, la nouvelle procédure d'affectation, étalée sur plus d'un mois, a toutefois été "un peu longue" : "Ça laisse la place au doute." Même si "au final, une fois que l'on a réussi à hiérarchiser nos vœux, ce qui peut prendre du temps, il n'y a pas de raison de les changer […] Ça nécessite un temps de réflexion qui n'est pas négligeable, car c'est un choix un peu ultime après six ans de travail et on redoute de faire le mauvais", tempère la néo-interne.
Après une année à enchaîner révisions et examens, Anaïs et Quentin savent désormais où ils vivront les prochaines années. Mais l'heure n'est pas encore aux préparatifs pour les deux étudiants en médecine. La première, qui a passé son été en stage de faisant fonction d'interne (FFI) aux urgences du CHU de Nantes, compte bien profiter de ses dernières semaines de congés. "Je suis [encore] dans l'euphorie de mes vacances, lance-t-elle, enjouée. Je sais que le stress et l'appréhension de la rentrée vont arriver, mais peut-être plus en octobre." Pour la jeune femme, le déménagement à Caen est synonyme "d'une nouvelle vie" ; elle compte se laisser le temps de découvrir la ville avant de trouver un logement et envisage, dans un premier temps, de s'installer à l'internat.
Quentin, lui, s'est envolé le 16 septembre pour être FFI durant cinq semaines en Guadeloupe. Un projet "prévu depuis mars", glisse celui qui va rejoindre les urgences du CH de Basse-Terre. "Ça va être super formateur, ajoutait-il avant son départ, mais je commence un peu à appréhender, car je me dis qu'avec ce FFI, c'est comme si j'étais [déjà] interne. Je commence à avoir peur de ne pas être à la hauteur, d'avoir des responsabilités […] Au moins, je serai prêt en revenant à Nancy."
"Les facs n'étaient pas prêtes"
Alors que la Conférence des doyens de médecine a tiré le 12 septembre un bilan positif de cette année de la R2C, expliquant que celle-ci "s'est bien passée", Quentin se veut plus nuancé. "Il aurait fallu attendre un peu [avant l'entrée en vigueur de la réforme, NDLR], parce que j'estime que les facs n'étaient pas prêtes à nous entraîner aux Ecos et les bouquins n'étaient pas encore sortis pour réviser les EDN, ils n'étaient pas tous à jour", avance le futur généraliste, ajoutant : "Mais heureusement, ça a [finalement] été plus de peur que de mal".
Anaïs, elle, pointe les couacs et éléments gérés "à la dernière minute" qui "auraient pu être anticipés" par les organisateurs de la R2C, estime-t-elle, à commencer par "les soucis de l'algorithme" d'affectation ou "les questionnements autour des Ecos" : "Ce sont des choses auxquelles il aurait fallu réfléchir auparavant […] pour que ça limite l'angoisse qui règne autour de cette réforme". "Après, il faut toujours commencer quelque part, admet la nouvelle interne, mais ça a été épuisant et a ajouté du stress là où il y en avait déjà."
*Centre national de gestion (CNG), en charge de l'organisation des épreuves et de la plateforme d'affectation des futurs internes.
**Ces épreuves orales comptaient pour 30% dans la note globale classant les étudiants. Les EDN comptaient pour 60% ; 10% dépendaient des points de parcours (mobilités internationales et nationales réalisées par le carabin, diplômes de langues étrangères, années effectuées hors médecine…).
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