Mon patient veut me faire un don ou un legs : que dit la jurisprudence ?

21/11/2022
Selon une décision du Conseil Constitutionnel du 29 juillet 2022,  les dispositions visant à interdire à un patient de gratifier les soignants qui lui ont procuré des soins au cours de sa dernière maladie ne portent en aucune façon atteinte au droit de propriété du légataire mais ont pour seul objectif de protéger le donateur en situation de vulnérabilité.

  En guise de reconnaissance, il peut arriver qu’un malade souhaite remercier son médecin en lui léguant un bien ou en lui donnant une somme d’argent. Un geste qui risque de paraître suspect pour l’entourage et aux yeux des héritiers en cas de décès de ce malade, à plus forte raison si le professionnel de santé lui a donné des soins pendant la maladie dont il est décédé. Or, comme le rappelle l’article 909 du Code Civil, « les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt, ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu’elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci ». Un article contesté jusqu’au Conseil Constitutionnel, au motif que ce texte porterait atteinte au droit de disposer librement de ses biens. Cette interdiction serait formulée de façon générale sans que soit prise en compte la capacité de la personne malade à consentir une libéralité ni que puisse être apportée la preuve de son absence de vulnérabilité ou de dépendance. Elle porterait atteinte à son droit de disposer librement de son patrimoine. Abus de faiblesse, abus d’influence…  Mais pour le Conseil Constitutionnel, en adoptant les dispositions rappelées par l’article 909 du Code Civil, « le législateur a entendu assurer la protection de personnes dont il a estimé que, compte tenu de leur état de santé, elles étaient placées dans une situation de particulière vulnérabilité vis-à-vis du risque de captation d’une partie de leurs biens par ceux qui leur prodiguaient des soins. Il a ainsi poursuivi un but d’intérêt général ». Et le Conseil Constitutionnel de préciser que « l’interdiction contestée ne vaut que pour les libéralités consenties pendant le cours de la maladie dont le donateur ou le testateur est décédé ». Ainsi, eu égard à la nature de la relation entre un professionnel de santé et son patient atteint d’une maladie dont il va décéder, l’interdiction est bien fondée sur la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouve le donateur ou le testateur à l’égard de celui qui lui prodigue des soins, devaient en conclure les sages de la rue de Montpensier. L’atteinte au droit de propriété est ainsi justifiée par un objectif d’intérêt général et proportionnée à cet objectif. Pour l’Ordre, un médecin ne doit en aucune circonstance pouvoir être suspecté d’avoir profité de son statut professionnel et de l’influence qui en découle pour tirer un avantage matériel quelconque de la part de son malade.

Par Nicolas Loubry, juriste 

 
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