Etudiant en médecine, il quitte la France pour avoir la spé de ses rêves : "Bruxelles a été ma porte de sortie"
À 38 ans, Maxime s’apprête à réaliser son rêve : devenir anesthésiste-réanimateur. Pour y arriver, l'étudiant en médecine a décidé de quitter la France pour la Belgique à la rentrée. Il aura fallu du temps et beaucoup d’abnégation pour que cet éternel insatisfait, à la fois kiné, ostéopathe, enseignant et pilote privé à ses heures perdues, parvienne à ses fins. Cet été sur Egora, suivez le parcours de ces médecins et carabins qui ont tout plaqué pour exercer à l'étranger.
"Mes défauts sont mes qualités poussées à l’extrême, admet-il. Je suis très exigeant et donc aussi constamment insatisfait, mais aussi trop sensible et insatiable." Ce à quoi, Maxime aurait pu ajouter "confiant". Car le métier d’anesthésiste-réanimateur, il en rêve depuis ses 15 ans. Lors d’un stage, il se fascine pour ces médecins capables de "créer le sommeil". "J’avais des étoiles dans les yeux", se souvient celui qui a désormais 38 ans. Son classement en fin de première année d’études de santé ne lui permet pas d’entrer en médecine. Direction l’école de kinésithérapie de Paris (ex-ADERF) pour exercer ce qu’il "considère comme un beau métier, très complet". Mais son ambition va le rattraper quelques années plus tard.
"Quand j’ai commencé à exercer comme kiné, j’avais quelques objectifs en tête : pouvoir enseigner, diversifier ma pratique et réussir financièrement", explique Maxime. Pendant dix ans, le kiné se forme continuellement. Ergonome, ostéopathe, enseignant auprès des futurs kinés après un master en sciences de l’éducation, conseiller à l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes… "Comme je n’avais pas pu devenir médecin, j’avais une soif de reconnaissance, admet Maxime. Il y avait ce côté grisant de voir que mon activité fonctionnait bien mais malgré tout, j’avais ce goût d’inachevé."
Après un voyage salvateur en Islande en 2015, Maxime entreprend de devenir pilote de ligne. "J’avais deux métiers qui me passionnaient dont celui de pilote mais à cause de mon strabisme, je ne pouvais pas exercer comme professionnel. J’ai donc très vite abandonné l’idée." Le jeune kiné repasse tout de même les tests en s’imaginant déjà au manche d’un Boeing. Mais les résultats ne sont pas ceux escomptés ; Maxime parvient tout de même à voler, comme pilote privé.
Au même moment, en février 2016, à l’occasion d’une Grande Conférence de la Santé, Manuel Valls, alors Premier ministre, annonce la création d’une passerelle entre les formations paramédicales et médicales. L’occasion pour Maxime de tenter une nouvelle fois sa chance de devenir médecin. "Je prépare la passerelle pour me présenter en 2018 à Paris. Mon dossier est retenu mais j’échoue à l’oral." Le jury ne croit pas en son projet professionnel. "En même temps, je comprends, les passerelles n’ont pas vocation à repêcher tous les déçus de la Paces."
Qu’à cela ne tienne, l’année suivante, Maxime se présente à nouveau mais à Rennes cette fois. "J’étais à la Fnac et je reçois ce mail me disant que j’étais accepté en deuxième année de médecine pour la rentrée." Pour ce Parisien de naissance, poser ses valises en Bretagne relève presque du défi. Maxime finit donc par faire transférer son dossier à l’université Paris Cité, après deux demandes.
En 2021, l’ancien kiné est désormais externe en médecine. Et pour son premier stage, il est servi : "J’arrive en anesthésie-réanimation à l’hôpital Saint-Louis. Je découvre pour de bon la médecine de l’aigu, je vois qu’il faut savoir manier plein d’instruments tout en étant dans un contexte où on frôle la mort. Je me frotte à cette spécialité et je me sens à ma place." Pendant ses autres stages, dès qu’il a l’occasion, Maxime continue de s’intéresser à cette spécialité qui le passionne toujours. "À la fois, c’est une bonne chose parce que ça ne faisait que confirmer mon envie et en même temps, ça laissait peu de place à l’échec."
À la rentrée 2023, pour ne pas faciliter les choses, Maxime se soumet - comme plus de 7 800 autres étudiants en sixième année de médecine - à la réforme du deuxième cycle des études de médecine, qui met notamment fin aux ECN. Désormais, pour intégrer l’internat, les étudiants doivent passer deux examens : les épreuves dématérialisées nationales (EDN) en octobre et les examens cliniques objectifs et structurés (Ecos) en mai. "Lors des EDN, j’ai eu le sentiment de me faire braquer ma spécialité, assure-t-il. On transforme notre cerveau en disque dur, on veut juste savoir si on a réussi à ingurgiter toute la théorie nécessaire." Les résultats confirment son pressentiment : Maxime n’est pas assez bien classé pour choisir l’anesthésie-réanimation. "Mon classement n’était pas le reflet de ce que je suis." Il connaît alors un épisode dépressif : "Je n’avais plus envie de rien, plus de motivation, j’étais indifférent à tout."
"En Belgique, on ne remet pas en cause tes connaissances"
Trois choix s’offrent à lui : travailler pour inverser la tendance grâce aux Ecos, envisager un redoublement ou partir à l’étranger. "J’ai travaillé pour les Ecos, mais j’ai quand même préféré envoyer ma candidature à l’université libre de Bruxelles." Son dossier le rend admissible pour réaliser un stage d’observation. En Belgique, la procédure est un peu différente : chaque étudiant postule à une spécialité et est évalué uniquement sur celle-ci. "Pendant ce stage en anesthésie-réanimation, j’ai eu plutôt l’impression qu’on essayait de déceler en moi un futur collègue. En Belgique, on ne remet pas en cause tes connaissances, on cherche surtout des personnes motivées." Si le stage se déroule bien, sur la dernière épreuve, un oral de motivation et de connaissances, Maxime est plus mitigé. "Contrairement au stage, les examinateurs étaient plus froids, plus formels et ça m’a beaucoup intimidé. J’ai eu l’impression qu’ils doutaient de ma candidature."
Mais tout s’enchaîne. Deux semaines plus tard, Maxime doit se concentrer sur les Ecos, en France. Après deux jours d’épreuves, il sort "satisfait". "Et là, c’est une bonne surprise, je remonte mon classement de 1 230 places en médecine de l’aigu. Je me classe 3 361ème." Sachant qu’en 2023, le rang limite pour intégrer l’anesthésie-réanimation était de 3 648. " Sauf que cette année, les candidats sont moins nombreux, donc le nombre de places a lui aussi diminué. Je n’y crois pas trop." L’anesthésie-réanimation perdra en effet 81 places d’internat à la rentrée prochaine. Avec 16 % de places en moins, les chances s’amenuisent pour Maxime. "Si j’avais su, j’aurais peut-être travaillé davantage les Ecos, mais c’est une victoire personnelle et ça fait du bien à l’égo", remarque-t-il.
Finalement, il y a seulement quelques jours, les résultats sont tombés à l’université de Bruxelles. "Je suis pris comme médecin assistant [équivalent d’interne en Belgique, NDLR] en anesthésie-réanimation pour la rentrée", lance-t-il. Mais pas de quoi sauter de joie. "J’ai l’impression de partir de loin : ces études, ce métier, difficiles, créent des dommages collatéraux. On nous apprend à ne pas nous écrouler, à se détacher de nos émotions, j’ai perdu la capacité de me réjouir", explique-t-il.
L’ancien kiné ne regrette pourtant pas son parcours, "loin d’être linéaire". "J’ai quand même l’impression de faire un pied de nez à tous les obstacles qui se sont dressés. Devenir anesthésiste-réanimateur était mon fait d’arme, mon point d’arrivée. Je ne pouvais pas abandonner et Bruxelles a été ma porte de sortie vis-à-vis de ce cursus douloureux et maltraitant. Je suis là où je devais être mais 15 ans plus tard. S’ouvre donc un chapitre plus serein avec une plus grande liberté d’esprit."
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